FAUSSE ADRESSE de Luigi Lunari – Mise en scène de Gilles GOURMELEN au Théâtre le Ranelagh – 5,rue des Vignes Paris 16 (75016) – Lundi 4 Novembre, Mardis 12 Novembre et 19 Novembre 2019 à 20 H 30 –

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Gilles Gourmelen et Moa Abaïd étaient les invités de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur Radio Libertaire 89.4 le samedi 26 Octobre 2019 en podcast ci-dessous (extrait) : 

Dossier de presse : FAUSSE ADRESSE

Metteur en scène : Gilles Gourmelen

Assistante à la mise en scène Anne-Sophie Garrigues

Distribution :

Luc de Belloy, François de la Bigne, Moa Abaïd et Anne-Sophie Garrigues

Le surnaturel ou toute pensée qui pourrait être qualifiée d’irrationnelle ont-ils leur place dans nos sociétés matérialistes ? Il est évident que ce que l’on ne comprend pas qui fait partie de l’inconnu bornant notre appréciation, suscite la peur. En même temps, l’homme a toujours été fasciné par l’inconnu, une curiosité insatiable le pousse à explorer des planètes et également à essayer de vaincre tous les maux qui ont pour finalité la mort.

Le bon sens qui a valeur de pragmatisme moral ne saurait être dévoyé par des considérations hors de sa portée, qui en tout cas ne servent pas l’homme de tous les jours, accaparé par des problèmes matériels certes mais essentiels.

L’intérêt philosophique de la pièce Fausse adresse de Luigi Lunari, c’est qu’elle confronte l’homme de bon sens à l’homme émotif, celui qui se laisse submerger par ses émotions, hors quoi de plus irrationnel qu’une émotion. Il va sans dire que cette émotion peut traduire un manque, un vide existentiel, elle peut placer l’individu en question devant un précipice à moins de prendre conscience qu’il n’est pas seul et qu’au lieu de cultiver ses propres peurs, il aurait intérêt à observer comment les autres se débrouillent dans leur vie.

Luigi Lunari est un dramaturge italien, traducteur des pièces de Molière et de Shakespeare, longtemps collaborateur de Giorgio Strehler au Piccolo Teatro de Milan. L’influence de Pirandello est palpable. Dans cette pièce qui s’apparente à un huis clos, l’inconnu a force de personnage, il s’incarnera d’ailleurs en partie à la fin. Trois individus, un industriel, un professeur auteur de romans policiers et un ancien militaire se retrouvent bloqués dans une pièce suite à une alerte anti-pollution. Chacun y est entré par une porte différente avec une adresse différente et les personnes avec lesquelles ils avaient rendez-vous brillent par leur absence.

Les rendez-vous manqués font partie du leurre dont ils sont victimes. L’adresse celle qui les a conduits dans une pièce vide juste appareillée de quelques portes est également un leurre, ce style de leurre qui confondrait un revenant dans un lieu connu qui ne porte plus la même adresse. Voilà qui brouille les cartes, celles de nos repères en soi très fragiles puisqu’ils dépendent avant tout de notre perception laquelle n’est pas immuable.

Les réactions des trois protagonistes diffèrent évidemment. Comment ne pas perdre la face vis-à-vis des autres sinon en marquant sa différence. Ce n’est qu’au pied du mur qu’ils devront admettre qu’ils se trouvent tous les trois dans la même situation, égaux en quelque sorte face à ce qui les dépasse et qui va s’incarner providentiellement et éphémèrement dans un quatrième personnage comme s’ils avaient appelé cette présence (sans le dire) pour surseoir à l’angoisse du vide, en somme de la mort, ce butoir impensable.

Il s’agit de rôles en or pour des comédiens car les dialogues de Luigi Lunari à la fois substantiels et très vifs, permettent de cerner tout autant que l’apparence physique, les traits de caractère des personnages qui selon Luigi Lunari représenteraient « le Pouvoir Economique, la Connaissance Philosophique et Rationnelle, la Force des Armes et enfin le Peuple Travailleur ».

Il s’agit d’une piste car l’auteur reconnait avoir donné libre cours à son inconscient lors de l’écriture de cette pièce, avec une totale liberté.

La mise en scène concentrée sur la direction d’acteurs est lumineusement sobre. Sensible à la dimension métaphysique et tragique indéniable de cette pièce, le metteur en scène Gilles Gourmelen ne surenchérit  pas sur son aspect fantastique et surnaturel qui a pour effet de divertir comme cet étrange frigo qui n’offre que la boisson voulue par chacun même s’il s’agit d’un chocolat chaud !

Luigi Lunari n’a certainement pas voulu plomber les esprits et donne l’impression de s’amuser avec ses personnages. Le titre même de la pièce « Fausse adresse » en dit long sur son humour ravageur.

Et les comédiens, tous excellents, rendent si humains leurs personnages que nous croyons bien réelle leur mésaventure, elle nous interpelle et nous captive comme un véritable thriller.

Paris, le 31 Octobre 2019

Evelyne Trân

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