Photo Christophe Raynaud de Lage
D’après Philippe Besson
Mise en scène Mathieu Touzé
Avec Estelle N’Tsendé, Mathieu Touzé, Yuming Hey
Création lumière Renaud Lagier
Soutiens Théâtre Ouvert, Théâtre Montansier de Versailles, Département de l’Essonne
Administration Sabine Aznar
Diffusion Anne-Sophie Bonnichon Boulan
Le texte Un Garçon d’Italie de Philippe Besson est édité aux éditions Julliard.
Adaptée du roman éponyme de Philippe BESSON, la pièce a la facture d’un poème intime porté par trois voix qui témoignent d’une certaine façon que l’amour est plus fort que la mort.
Luca, l’homme qui vient de mourir ne se trouve t-il pas de l’autre côté du miroir ? La communication est interrompue entre cet homme et ses deux foyers affectifs, sa compagne et son amant.
Luca a entretenu des relations passionnées avec Anna sa compagne et son amant Léo. Si Léo avait connaissance de l’existence d’Anna, cette dernière ignorait celle de Léo. La mort brutale de Luca va conduire Anna et Léo à se rencontrer, ce que de son vivant, Luca n’avait pas encore envisagé.
Il s’agit d’un poème car l’instant présent de la mort est cristallisé à l’extrême. Comment réaliser que l’on puisse être séparé de l’autre dont on est encore plein par un événement aussi brutal que la mort. Nous voici au cœur du mythe d’Orphée et Eurydice avec des personnages d’aujourd’hui.
Luca nous apparaît comme un rêveur qui aimait pouvoir se promener entre deux rives, celles incarnées par Anna et Léo. Mais avait-il vraiment envie de les réunir sinon dans son espace intérieur ? Et si la mort n’était-elle pas un moyen pour le rêveur Luca d’échapper à cette couture de la réalité qui ne permet pas d’aimer plusieurs êtres à la fois sans créer le trouble. Luca rêve donc qu’il est mort.
Cette pièce résonne aussi comme une invitation à l’introspection pour se saisir soi à travers la présence d’un autre dans une sorte de sentiment d’urgence lorsque cet autre vient de mourir.
Luca représente pour Léo et Anna la personne aimante, celle qui vous reconnait, vous révèle à vous-même, vous arrache en quelque sorte à l’indifférence, au néant.
Il n’y a pas de commune mesure entre les sentiments de Luca et Anna et la froide réalité qui ne repose que sur des aspects matériels, l’enquête sur la mort de Luca, son autopsie et même la description par Luca lui-même de son corps qui se décompose. Mais les personnages semblent vouloir l’assumer cette réalité qui concrétise cette frontière entre la vie et la mort et qui ne devient jamais aussi parlante que dans les rêves. Si Luca semble avoir cultivé le mystère c‘est parce qu’il est inhérent au désir.
Au théâtre, c’est la chair tourmentée qui parle et on l’entend chez Yuming Hey et Estelle N’Tsendé, interprètes saisissants de Léo et Anna. L’absence de décor profite à l’atmosphère onirique du spectacle et la troublante apparition de Luca, Mathieu Touzé évoque sensiblement ce flâneur des deux rives, Apollinaire.
C’est beau, cela résonne comme une déclaration d’amour inexpugnable !
Paris, le 13 Mai 2019
Evelyne Trân