Antigone 82 d’après Le Quatrième Mur de Sorj Chalandon (éd.Grasset) (Prix Goncourt des lycéens, 2013) mise en scène : Jean-Paul Wenzel adaptation : Arlette Namiand au THEATRE DE L’EPEE DE BOIS à LA CARTOUCHERIE DE VINCENNES – Route du champ de manoeuvre 75012 PARIS -Du 10 janvier au 3 février 2019 Du jeudi au samedi à 20h30, samedi et dimanche à 16h

Avec Hassan Abd Alrahman (jeu et musique), Fadila Belkebla, Pauline Belle, Pierre Devérines, Nathan Gabily (jeu et musique) Pierre Giafferi, Hammou Graïa, Jérémy Oury (jeu et vidéo) Lou Wenzel.
Scénographie : Jean-Paul Wenzel , Création costumes : Cissou Winling
Création lumières : Juliette Romens, Création son : Philippe Tivillier,
Création vidéo : Jérémy Oury, Régie Lumières : Juliette Romens ou Marie-Sol Kim

De mémoire, le roman de Sorj CHALANDON « Le quatrième mur » se déroule comme un thriller à travers l’esprit tourmenté du narrateur, un metteur en scène de théâtre qui raconte comment poussé par une idée géniale, celle de monter l’Antigone d’Anouilh à Beyrouth en 1982 avec des interprètes issus de « chaque camp  (chrétien chiite, palestinien sunnite, druze) »,  il se retrouve contaminé, absorbé par la réalité de la guerre au point de finir par y participer et de s’y oublier.

 Pour comprendre ce qu’est une guerre, il faut l’avoir vécue. Le héros, Georges ne reviendra pas indemne de cette expérience. Lui qui voulait apporter la paix grâce à la trêve d’une représentation théâtrale d’Antigone, qui , à ses yeux, eut permis d’apporter un éclair de fraternité parmi tous les belligérants, s’enlise dans la tragédie parce qu’il a confondu le personnage d’Antigone avec son interprète Imane, palestinienne sunnite, victime du massacre de Sabra et Chatila.

 L’éclair de fraternité aura lieu pourtant lors des répétitions d’Antigone où tous les participants accepteront de jouer leur rôles Seule Imane hésitera à renoncer à son identité de palestinienne, car c’est évident pour elle, la figure d’Antigone sert la cause palestinienne.

 Jean-Paul WENZEL à partir de l’adaptation théâtrale d’Arlette NAMIAND, livre une lecture horizontale du récit mouvementé de Sorj CHALANDON.  La scène est nue, ouverte à tous les personnages du roman quasi simultanément. Il appartient à chacun des interprètes de suggérer la charge intime de leurs personnages.

 C’est tout l’aspect visible, lisible d’emblée du roman qui s’offre à la scène, faisant de chaque participant, un témoin d’un récit avec un seul horizon, un seul quotidien, un seul chemin, un seul esprit, un seul lit, un seul espace, celui de la guerre.

Cette guerre, chacun l’a dans sa tête, personne ne veut y renoncer, elle est d’ordre extrémiste, elle ne mène qu’à la mort. A cet égard, Samuel AKOUNIS, l’initiateur du projet de la mise en scène d’Antigone, ne peut qu’adopter une position idéale, celle d’un théâtre messager de paix.

En réalité, il n’est pas possible de marcher au-dessus de la mer, on y entre ou on n’y entre pas. Le héros Georges se retrouve cerné entre deux mondes, celui de la guerre et celui d’une vie fade et banale, deux mondes qui ne communiquent pas entre eux.

Le théâtre devient alors un exutoire où les passions peuvent s’exprimer sans faire de victimes.

Chacun a le droit de sublimer à sa façon Antigone. Etre comédien, c’est avoir la notion d’alter ego, se donner la possibilité de passer de l’autre côté en interprétant des personnages parfois opposés à sa propre personnalité.

Le champ de l’invisible dans cette mise en scène est présent grâce à la musique interprétée par d’excellents comédiens musiciens,  Hassan Abd Alrahman et Nathan Gabily. Nous avons été impressionnés par la justesse d’Hammou Graïainterprète de Marwan, le chauffeur de Georges.

Le côté sombre de de Samuel et Georges est estompé mais il est possible d’appréhender ces deux personnages comme des individus étrangers de prime abord à cette guerre qui les dépasse. Respectivement, Pierre DEVERINES et Pierre GIAFFERI ont à cœur d’exprimer leur vulnérabilité, leur passion, leur inconscience.

Le spectacle est doté d’une belle distribution et Antigone, la belle Antigone a l’allure de Lou WENZEL, magnifique dans ce rôle.

Jean-Paul WENZEL propose un dispositif tri-frontal pour le public :  gradin de face et deux autres plus petits, des deux côtés du plateau, jardin et cour.

De la sorte, le public peut avoir l’impression d’avoir devant les yeux une terre qui bouge, jouet des mouvements, des vents et marées des gens qui la parcourent, la chantent, l’invoquent. Nous la percevons comme une seule et unique terre alors que les protagonistes se combattent pour la posséder.

Une certaine pureté se dégage de cette mise en scène dépouillée,  gage d’espérance aiguë. Un voile devant nous se déchire, celui de la fatalité de la guerre, Antigone, une humaine, y porte sa signature, celle de la fraternité.

Paris, le 14 Janvier 2019

Evelyne Trân

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