L’AFFAIRE JEAN ZAY d’après Souvenirs et solitude et Écrits de prison. Mémoires et correspondances écrites entre 1940 et 1944 (Éditions Belin). Création Conception, adaptation et mise en scène René Albold au Théâtre de l’Epée de bois – Cartoucherie de Vincennes – Route du Champ de Manœuvre – 75012 Paris – Du lundi 7 au samedi 19 janvier 2019 .Du lundi au samedi à 20h30, Supplémentaire le samedi à 16h, relâche le 15 janvier

Conception, adaptation et mise en scène René Albold
Avec François Patissier et Georges Salmon
Composition musicale Camille Albold
Scénographie et graphisme Isabelle Dansin
Création lumière et régie Aline Bertrand

Ils ont tué Jaurès. Nous pourrions dire de même, ils ont tué Jean Zay. Devenu une figure politique de gauche au parti radical, élu à 27 ans en 1931, député de la première circonscription du Loiret, Jean Zay cristallisa la haine de l’extrême droite qui le considérait comme le symbole d l’anti-France, des quatre  « Etats confédérés » (Juifs, Francs-maçons, protestants, métèques).

Remarqué par Léon Blum, il devient ministre de l’Education nationale au Front populaire de 1936 à 1939, poste dont il démissionna pour rejoindre l’armée.

Après l’armistice, le régime de Vichy décidé à régler ses comptes avec cet ennemi politique, l’accusèrent de désertion lors d’un procès inique qui le condamna à la réclusion à la maison d’arrêt de Riom. Le 20 Juin 1944, il fut assassiné par des miliciens déguisés en résistants dans les bois de Cusset. Sa dépouille sera retrouvée par des chasseurs, en septembre 1946.

 Ces faits et les dates qui recouvrent des événements cruciaux de l’histoire politique française dont Jean Zay fut une figure éminente, appellent un autre éclairage,  celui de la personnalité de cet homme qui en dépit de son éclat – il marqua de son empreinte la rénovation du système scolaire – se révèle profondément humble, toujours idéaliste, optimiste, bienveillante, à travers sa correspondance avec sa femme Madeleine et ses carnets de prison.

 Jean Zay fait partie de ces hommes qui peuvent réconcilier les plus déçus avec la politique. Il était droit, sincère, intègre, il était juste porteur d’un idéal républicain, celui du Front populaire, qui commençait à faire ses preuves juste avant la catastrophe de le 2ème guerre mondiale.

 Il n’y a aucun angle mort dans la mise en scène de René AlBOLD grâce à une dramaturgie efficace qui réunit sur scène un acteur incarnant la présence de Jean Zay à travers ses écrits et un autre acteur faisant le lien entre l’espace du jeu et le public, en tant que commentateur des situations, des rappels historiques, un peu comme un témoin immergé dans l’histoire qui a pour mission d’informer, interpeller les spectateurs.

Le va et vient entre les confessions intimes de Jean Zay sur le déroulement de sa captivité, ses réflexions, ses  questionnements, et le rappel des événements extérieurs qui l’ont conduit à vivre en reclus, séparé du monde, immerge le spectateur dans une troublante expérience humaine.

A travers cette dramaturgie, il est permis de comprendre que c’est grâce à son engagement moral et politique que Jean Zay a tenu le coup dans cette prison. Il continuait à lutter de l’intérieur, à résister sans fanfaronnade d’ailleurs, juste travaillé par le sentiment d’injustice. Il ne voulait, il ne pouvait pas croire que la justice ne lui fût pas rendue non par seulement pour lui-même mais surtout pour sa famille, sa chère femme qu’il veut préserver de son malheur.

Si l’écriture de Jean Zay nous semble si juste, si exemplaire c’est qu’elle agit évidemment comme la planche de salut d’un homme qui peut regarder droit dans les yeux ceux qui l’ont bafoué, humilié puis assassiné.

« Le temps est venu de réfléchir aux vrais problèmes, ceux que la fièvre passée ne vous laissait jamais le temps d’examiner, problèmes de la destinée et de l’âme. Sans la prison, peut-être fussiez-vous morts comme la plupart des hommes, sans jamais trouver une journée entière à leur consacrer »

La pensée de Jean Zay ouvre un chemin pour tous ceux qui entendent lutter pour la liberté et les droits de l’homme. Elle étonne aussi par sa fraîcheur, sa luminosité poétique, sa profondeur.

Doté d’une belle distribution, les comédiens François PATISSIER et Georges SALMON ainsi que la musicienne Camille ALBOLD, ce spectacle inspiré, conçu par la Compagnie engrenage, rend justice à cet humaniste Jean Zay de façon très sobre, juste porté par le souci de faire entendre cette voix pure et digne qui défie la haine et toutes les tyrannies.

 Paris, le 9 Janvier 2019

 Evelyne Trân

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