Ecrit et mis en scène par Danièle Mathieu-Bouillon
Avec Bérengère Dautun et Sylvia Roux
Ecrire, écrire, quelle aventure ! Danièle Mathieu-Bouillon écrit avec son cœur, les émotions qu’elle scrute sont de la chair vive, elles ne peuvent s’accommoder de l’ordinaire, du pragmatique, en somme de tout ce qui rabaisse l’exaltation poétique, la rêverie, à savoir toutes nos considérations matérielles qui mettent tout à plat, goudronnent le champ de nos perceptions, sans état d’âme.
Avez-vous déjà vu une personne parler à un absent, penchée au-dessus d’une tombe ? Si oui, gageons que vous aurez pensé que cette personne est folle, il faut être fou pour s’adresser à un être invisible ou poète.
Il y a des poèmes qui grimpent jusqu’au ciel, qui nous rappellent que nous avons les pieds bien plantés sur terre pour lâcher ainsi quelques mots en direction d’une personne qui vient de mourir. La question ne se pose plus de savoir si elle vous entend, vous offrez votre cœur, vous êtes désintéressé, vous êtes juste sur le chemin entre elle et vous.
Dans le mot chemin, nous entendons le mot main, et nous nous souvenons aussitôt que parfois sur une route difficile, bordée d’un précipice, une main tendue nous a aidé à franchir un obstacle, naturellement, sans hésiter.
Dans la pièce de Danièle Mathieu-Bouillon, il est donc question de chemin, de routes qui se croisent, celle de Laure, une veuve singulière qui parle à son défunt époux et qui récuse violemment cette expression « faire son deuil » et celle de Léa, une jeune femme ethnologue qui prépare une thèse sur la façon d’appréhender la mort dans les différentes civilisations.
Les deux femmes se prennent d’amitié et se dévoilent progressivement. Laure révèle à Léa un événement douloureux de de sa vie lorsqu’elle était infirmière, un procès suivi d’un emprisonnement suite au décès d’une amie, Gabrielle qu’elle a aidée à mourir.
Nous ne raconterons pas la suite car le charme de la pièce tient aussi au suspense, aux rebondissements quelque peu romanesques. Mais au-delà du scénario, ce qui prime ce sont les personnalités des deux héroïnes. Qu’attendent-elles, l’une de l’autre ? Laure ne voit-elle pas en Léa l’enfant qu’elle n’a pas eu ? Pourquoi Léa qui prétend être orpheline, s’intéresse-t-elle tellement à Laure ?
Quelque chose de fort relie les deux femmes. Laure et Léa sont réunies par la même douleur, la perte d’un être cher. Quoiqu’elles disent, d’une certaine façon, elles ont besoin de faire le deuil pour aller de l’avant, leur amitié c’est le meilleur hommage qu’elles puissent rendre à Gabrielle, laquelle toujours présente par l’esprit, est l’émissaire de leur rencontre.
Le « Choix de Gabrielle » c’est une Histoire d’amour entre vivants et morts, sans pathos, ni mièvrerie, qui emporte les spectateurs en libérant des émotions si difficiles à exprimer.
La langue de Danièle Mathieu-Bouillon n’est pas bavarde. Il y a tous ces non-dits qui flottent qui précédent la parole. Les deux femmes passionnées s’offrent en miroir, l’une à l’autre. La contraction de l’émotion s’entend. La communication n’est pas évidente. Laure et Léa doivent éprouver leurs failles pour se rapprocher.
On ne joue pas de tels rôles, on les vit. Bérengère DAUTUN et Sylvia ROUX n’ont pas besoin de surjouer. Elles nous parlent, à travers Laure et Léa, elles nous disent vulnérables, elles sont formidables !
Paris, le 16 Décembre 2018
Evelyne Trân
Chère Evelyne Trân,
Vous n’imaginez pas combien votre chronique m’a bouleversée, émue, touchée au cœur. Comme il est bon de prendre conscience qu’un être humain a pressenti ce que vous éprouviez vous-même. Vous connaissez la difficulté qu’éprouve un auteur à présenter son oeuvre, comme s’il lâchait sa vie au public, au risque de se perdre. Il doit être inconvenant de communiquer ainsi ses impressions auprès d’un critique professionnel, mais la vieille petite fille que je suis l’ose pourtant, sachant que son cœur s’ouvre ainsi mieux au vôtre. Merci.
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Chère Danielle,
Nous avons besoin de témoignages comme les vôtres. Une chose est sûre, vous avez été fort bien comprise
par les interprètes qui relèvent les accents de poésie de votre écriture . C’est un bel hymne à la vie
tant il est vrai que nos disparus en font partie.
Merci à vous !
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