JETONS LES LIVRES, SORTONS DANS LA RUE – Adaptation théâtrale et mise en scène: Takahiro Fujita – Œuvre originale: Shûji Terayama – Maison de la culture du Japon à Paris 101 bis Quai Branly, 75015 Paris – Les 21, 22, 23 novembre 2018 à 20h – Le 24 novembre 2018 à 15h –

Adaptation théâtrale et mise en scène, Takahiro Fujita

Œuvre originale, Shûji Terayama

Musique, Tatsuhisa Yamamoto

Avec himi Sato, Izumi Aoyagi, Yuriko kawasaki, Mina Sasaki, Jitsuko Mesuda, Ryosuke Ishii, Shintarô Onoshima, Tatsuy Tsujimoto, Hirotaka Nakashima, Satoshi Hasatani, Kenta Funatsu Musicien, Tatsuhisa Yamamoto (batterie) Apparition vidéo, Hiroshi Homura (poète Tanka), Naoki Matayoshi (comique, Eimei Sasaki (poète haïku), Lumières, Kaori Minami Costumes, Minä Perhonen Son, Daisuke Hoshino Vidéo, Jitsuko Mesuda

Le spectacle Jetons les livres, sortons dans la rue, mis en scène par Takahiro FUJITA est inspiré du film éponyme réalisé en 1971 par Shūji TERAYAMA qui raconte l’histoire d’un jeune homme dont la petite sœur se fait violer par des joueurs de football.

D’emblée, la scène nous est apparue comme un terrain de jeu, une sorte de billard électronique dans lequel les personnages jouent le rôle des petites boules propulsées par un joueur inatteignable.

Des billes ardentes malgré tout qui transportent d’infinies émotions sans commune mesure avec l’affreux décor environnant et qui persistent à courir pieds nus à même un sol froid comme ces fourmis ou ces insectes qui se déplacent à travers les échafaudages humains, les caniveaux, les dépotoirs, vivent leur vie là où ils se trouvent.

Le brouhaha métallique du montage et démontage des échafaudages ne semble pas affecter les personnages qui ne communiquent pas avec les ouvriers fantômes; ils se démènent comme des survivants d’une mémoire qui ne gargarise que leurs propres corps, ils essaient de survivre dans un environnement qui leur est devenu totalement étranger.

Le metteur en scène fait mine d’agiter au début du spectacle une loupe épaisse qui permet d’assister à l’autopsie d’un œil. Cette vision est provoquante voire insoutenable. Elle appelle le rejet. Mais comment séparer cet œil devenu objet de la personne qui est en train de l’autopsier. L’œil n’est pas celui qu’on voit, voilà tout.

 Un œil porte-voix ou porte-vision. Il semble que le metteur en scène Takahiro FUJITA  ait donné cette consigne aux comédiens de jouer et d’exister sur scène et ne pas s’occuper du reste.

Nous assistons à un mouvement de créatures qui risquent leur vie indépendamment des intentions de leur observateur.

 Les comédiens réussissent à imposer leur présence en dépit de l’atmosphère glaciale qui découle de la matière métallique architecturale des échafaudages.

Tout en respectant l’intrigue du film et en intégrant sur scène l’esprit de collage, qui permet de faire rebondir la perception du spectateur la recadre ou la décadre, avec pour seul moteur une caméra invisible qu’accompagnent les compositions martelées du batteur, le metteur en scène entend livrer une lecture contemporaine qui soit une caisse de résonance de la révolte de la jeunesse d’aujourd’hui.

Désormais, au théâtre, les images ou les films vidéo s’intègrent à la scène, parce qu’ils font partie de notre environnement et que probablement la perception onirique d’un individu n’est pas la même aujourd’hui qu’il y a cinquante ans.

Confronter les perceptions à l’échelle des générations – du point de vue de FUJITA, le mal être des jeunes dans les années 70 et dans les années 2000 –  est exaltant pour les artistes qui se doivent d’être en amont des transformations sociétales,

 Le recours au collage de scènes avec son aspect artificiel, celui du grossissement par la loupe, dénote un sentiment d’impuissance, de désarroi des consciences qui s’attellent à construire des digues capables de contenir le raz de marée des émotions humaines, une désespérance tragique.

 La mise en scène témoigne de la grand maîtrise technique et artistique de Fujita, à laquelle s’ajoute sa remarquable direction d’acteurs.

 Nous garderons la trace effervescente de ces créatures, la véhémence  de leurs témoignages, ce soubresaut de mémoire ancestrale et moderne, un tremblement de terre !

 Paris, le 3 Décembre 2018

 Evelyne Trân

 

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