AUTEUR Isabelle LE NOUVEL
MISE EN SCÈNE Jean Louis BENOIT
AVEC Ludmila Mikaël – Niels Arestrup – Baptiste Roussillon
DÉCORS Jean Haas
LUMIÈRES Joël Hourbeigt
COSTUMES Anaïs Romand
MUSIQUES Bernard Vallery
À NOTER Durée du spectacle : 1h30
La rencontre entre Winston CHURCHILL à la fin de sa vie et Greta GARBO à la fin de sa carrière, est un sujet en or pour les magazines people. La pièce d’Isabelle LE NOUVEL, d’excellente facture, prend véritablement le large et offre un autre point de vue, celui de la symphonie en mode mineur, celle des conversations intimes de personnalités livrées à leur solitude.
Nous voici tout à fait dans l’ambiance d’une nouvelle de Stefan SWEIG avec des personnages qui éprouvent le besoin de se mettre en danger moralement, affectivement quoiqu’il arrive.
Cette rencontre a réellement eu lieu et la fascination de Churchill pour Greta Garbo ne nous étonne pas. Dans cette pièce, fort heureusement, les personnages semblent avoir tourné le dos à leurs légendes respectives si extérieures qu’elles les ont acculés à la solitude, au bruit sourd de leurs vies intérieures qui sonne le glas et laisse place à la fulgurante étincelle du désir enfoui sous les feuilles mortes.
En grand stratège, car il faut être un stratège pour pousser l’être désiré hors de ses retranchements, Churchill sur son fauteuil roulant qui sait bien n’avoir plus aucun atout d’ordre physique pour plaire à une femme, utilise son flair psychologique pour sonder les failles de la diva et lui déclarer son amour.
Quelle femme d’apparence aussi glaciale et secrète que Greta Garbo pourrait résister au bonheur d’être aimée, applaudie par un homme qui ne l’a provoquée quasi insolemment que pour déposer à ses pieds une preuve d’amour qu’elle n’était pas prête à recevoir.
Dernier combat du personnage Churchill, celui d’éprouver la résistance d’une femme dont le parcours l’émeut profondément.
Rendre l’âme, qui pourrait rendre l’âme c’est-à-dire laisser s’élever un sentiment d’amour, ne serait-ce que quelques secondes !
Un amour qui s’adresse à l’être, l’être Garbo qui fascine Churchill, Garbo, symbolisée par cette île Skorpios au loin.
Nous avons l’impression d’assister à un véritable combat moral et exigeant entre deux êtres aux abois qui n’ont pour perspective que la solitude et la mort mais qui ont encore l’audace de rêver, d’être désirables.
Niels ARESTRUP et Ludmilla MIKAEL jouent cette partition de façon magnifique. Leurs voix intérieures résonnent avec ce temps suspendu qu’offre la croisière avec pour seul horizon la mer à perte de vue.
Les bruits secondaires de la rumeur amoureuse d’Onassis et Maria Callas et la présence du domestique alerte interprété par Baptiste ROUSSILLON, apportent leur note d’humour à cette traversée sentimentale captivante, orchestrée par le metteur en Jean-Louis BENOIT.
Un concerto de haute voltige magnifié par deux interprètes fascinants, Niels ARESTRUP et Ludmilla MIKAEL !
Paris, le 1er Novembre 2018
Evelyne Trân