- Auteur : Jennifer Tremblay
- Mise en scène : Yves Chenevoy
- Avec : Claudie Arif et Julie Quesnay
Vous n’iriez pas frapper à la porte de l’héroïne de la liste, la pièce de Jennifer TREMBLAY une auteure Québécoise, à moins d’être un distributeur de tracts publicitaires ou politiques. La porte de son appartement se confond avec toutes les portes de l’immeuble; les bruits d’assiettes, de casseroles, d’aspirateur qui s’en échappent, vous pourriez aussi bien les entendre à Sarcelles, Ivry que dans la banlieue de Montréal.
Celle qu’on étiquette femme au foyer ou ménagère, croyez vous, n’intéresse que les vendeurs de produits ménagers et elle n’a pas de nom.
Les personnes solitaires qui dans la journée n’ont accès au monde extérieur que par la radio, le téléviseur ou internet, savent que la solitude est une compagne étrange et particulière qui projette toutes sortes de particules invisibles susceptibles sinon de remuer la pensée, la promener, la suspendre, et parfois l’élever. Pendant des années,L’héroïne de la pièce, semble t-il, a laissé faire le silence qui s’est déposé sur chacun des objets de sa cuisine qu’elle connait par cœur.
Aujourd’hui, au moment présent sur la scène, la femme se met à parler. La façon dont elle parle, c’est comme si elle écrivait ses pensées, des pensées qui n’accourent pas, qui ont parfois du mal à suivre ses gestes. Au début le spectateur ne comprend pas ce qu’elle raconte, un peu comme s’il regardait de loin une personne en train de déambuler en zigzag de l’autre côté de la rue. L’irruption d’une autre jolie jeune femme portant en bandoulière un accordéon l’étourdit. Mais oui, c’est la ménagère qui en parlant a provoqué son apparition. Celle qui n’a pas de nom raconte pour elle même et pour qui pourrait l’entendre, le sentiment de culpabilité qui la ronge depuis la mort de sa voisine Caroline. Elle ne l’a pas tuée mais elle s’accuse d’avoir été négligente à son égard, elle, une femme perfectionniste qui dresse tous les jours la liste des choses à faire.
En vérité, cette femme est en train d’accoucher d’un mal, d’une douleur sur lesquels les mots glissent, suffoquent, deviennent objets eux mêmes. Heureusement, la femme a recours à de véritables phrases, celles qui lui rappellent sa voisine : Quel film aller voir ? On s’en crisse pas mal ! Caroline aime la facilité d’avoir des enfants. Le regard léger me manque. J’ai trouvé une débarbouillette dans sa culotte . Le linge sale règne dans le salon de Caroline.
Elle se les répète en boucle ces bouts de pensée, ils deviennent ses postits, ils éclairent finalement le visage de Caroline omniprésente.
La mise en scène aérée et bienveillante d’Yves CHENEVOY offre un joli piédestal à la comédienne Claudie ARIF bouleversante dans ce personnage “sans nom”.
La liste n’est pas un spectacle parmi d’autres, il a cet atout de réunir un metteur en scène de talent, une grande comédienne et une auteure Québécoise contemporaine remarquable, Jennifer Tremblay.
Le 16 Juillet 2015
Mis à jour le 8 Septembre 2018
Evelyne Trân