L’HERBE DE L’OUBLI – Ecriture et mise en scène Jean-Michel d’Hoop – Un spectacle de POINT ZERO en coproduction avec le Théâtre de Poche – FESTIVAL D’AVIGNON 2018 – THEATRE DES DOMS – 1 Bis rue des Escaliers Sainte Anne 84000 AVIGNON – A 17 HEURES du 6 au 26 Juillet 2018 –

Ecriture et mise en scène Jean-Michel d’Hoop
Assisté de François Regout
Avec Léone François Janssens, Léa Le Fell, Héloïse Meire, Corentin Skwara
et Benjamin Torrini
Vidéos Yoann Stehr
Musique  Pierre Jacqmin
Scénographie Olivier Wiame
Marionnettes Ségolène Denis assistée de Monelle Van Gyzegem
Lumières Xavier Lauwers

 Il y a déjà 32 ans survenait la catastrophe nucléaire de Tchernobyl à Pripiat précisément, une ville devenue fantôme. L’équipe de Point Zéro s’est déplacée en Ukraine et en Biélorussie pour recueillir les témoignages des habitants, empruntant la même démarche que la journaliste et écrivaine Svetlana Alexievitch.

 Les personnes qui sont revenues dans les zones toujours contaminées, se nourrissent généralement de la culture de leur potager, en connaissance des risques sur leur santé.  Toutes sont fragilisées et ont un de leurs proches atteints de maladies qui touchent également la nouvelle génération. Seuls les animaux dont la durée de vie n’excède pas 15 ans n’auraient pas le temps de développer des maladies.

La force du spectacle est la douceur de son approche. Nous sommes bien loin du bruit et de la fureur comme si l’ampleur de l’accident nucléaire qui a provoqué la destruction de plusieurs villages, la mort de centaines de milliers de personnes, devait laisser place au silence, au deuil, aux effarantes visions captées par quelques vidéos – maisons abandonnées brutalement le lendemain de ce 26 Avril 1986, poupées, débris de masques à gaz jonchant le sol, auto tamponneuses rouillées, au milieu d’une végétation sauvage, de paysages forestiers splendides – permettant aux spectateurs d’appréhender ce passé encore si proche qui jouxte le quotidien de la population.

L’Herbe de l’Oubli, Cie Point Zéro, Théâtre de Poche, Bxl, janvier 2018

 Cela qui ne peut pas se dire qui porte le poids de l’innommable, de l’invisible mal, est exprimé par la présence de marionnettes imposantes qui portent toutes les stigmates de l’effroi, de la souffrance figée, et se déplacent pendant les témoignages des habitants qui veulent croire que la vie a repris ses droits, malgré tout, et qui assurent et c’est terrible « On s’habitue à tout ».

 La vérité c’est que la plupart des gens n’ont pas le choix, certaines se sachant de toute façon contaminées, préfèrent poursuivre leur vie sur leurs terres plutôt que dans un environnement étranger. Et la maladie qui les guette ainsi que leurs enfants, fait partie du quotidien.

 Les déchets radioactifs contenus dans le sarcophage du réacteur de Tchernobyl, ont une durée de vie d’au moins 100.000 ans. A mémoire d’homme, cela reste inimaginable.

 Le recours à un autre espace-temps, celui de l’imaginaire, du ressenti, fortifie néanmoins la notion d’humain. Il est frappant d’entendre que les victimes n’attendent de la vie que l’essentiel, se suffisent d’un potager.

 Sommes-nous nous déjà à des années-lumière de leur mode de vie, de leur pauvreté ? Avons-nous oublié que le nuage radioactif s’est répandu dans toute l’Europe ?

 Ne faut-il pas être vivant pour être saisi par l’effroi de cette catastrophe et d’autres à venir. Quels morts pourraient en rendre compte, sinon par l’intermédiaire des songes.

L’Herbe de l’Oubli, Cie Point Zéro, Théâtre de Poche, Bxl, janvier 2018

 Pour l’équipe du Point Zéro qui signe un beau spectacle, très équilibré, les histoires des vivants et des morts sont liées, et c’est aussi une question de regard, tant que l’éprouvons humain et sensible, attentif à « la vie quotidienne de l’âme » comme l’entend Svetlana Alexievitch, il ne peut être question d’oubli !

 L’exploration est d’ordre magique, concrète et édifiante comme si nous nous trouvions à l’intérieur même d’un conte fabuleux narrant l’histoire d’humbles personnes vivant à proximité d’un monstre, le sarcophage de Tchernobyl.

 Mais ce conte est réel, il parle de notre époque, notre civilisation. Il a pour protagonistes des personnes d’aujourd’hui. Pour comprendre « l’homme doit dépasser ses propres limites » mais nous pouvons encore solliciter nos yeux, nos oreilles, nos sentiments, nous laisser gagner par le souffle de ce spectacle  captivant ! A ne pas manquer !

 23 Juin 2018

 Evelyne Trân

 

 

 

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