Avec en alternance: Grégori BAQUET ou Charles LELAURE, Alexandre BONSTEIN, Julie CAVANNA, Franck DESMEDT ou Jean-Philippe DAGUERRE, Charlotte MATZNEFF ou Salomé VILLIERS
Texte et mise en scène: Jean-Philippe DAGUERRE
Décor: Caroline MEXME
Musique / assistanat à la mise en scène: Hervé HAINE
Lumières : Aurélien AMSELLEM
Costumes: Virginie H
Collaboration artistique: Laurence POLLET-VILL
Nous connaissons Jean-Philippe DAGUERRE pour ses mises en scène très vives des classiques de Molière, notamment. Dans un registre contemporain, une pièce qui aborde un sujet délicat, l’occupation de la France par les Allemands, lors de la 2ème guerre mondiale, il s’avère également très inspiré.
Les personnes qui ont vécu l’occupation représentent
aujourd’hui nos parents ou aïeux les plus proches, ils étaient enfants ou adolescents. C’est dire si le sujet est encore brûlant, épidermique.
Le port de l’étoile jaune obligatoire pour les juifs n’a guère rencontré de résistance dans la population. Du jour en lendemain, des personnes ont fait l’objet d’une traque par les nazis mais également ont été dénoncées par leurs voisins.
Dans la pièce, les intérêts du bijoutier Juif, de son ex employé collaborateur et du nazi amateur de tableaux sont étroitement liés.
Cela pourrait constituer un sinistre jeu de société, une partie à trois où chacun a sa carte à jouer ce que nous dévoilera la pièce.
Monsieur HAFFMANN demande à son employé de le cacher. En échange ce dernier peut profiter de la notoriété de sa bijouterie qui sera désormais à son nom. Ce n’est pas assez pour son ex employé qui n’ignore pas les risques encourus par un cacheur de juifs. Ce qu’il va exiger de M.HAFFMANN est plutôt extraordinaire, il demande à ce juif de faire un enfant à sa femme.
Voilà bout à bout deux situations extrêmes où la vie ne tient qu’à un fil, Joseph HAFFMANN doit se cacher pour survivre, son ex employé Pierre VIGNEAU a la hantise d’être privé de postérité à cause de sa stérilité.
Dans le pot commun, la carte du pragmatisme est lancée. Il suffirait d’aller jusqu’au bout de ses objectifs tout en sachant que la mort rôde en la personne du nazi.
Chacun a annoncé sa couleur et ne croit défendre que ses intérêts propres en composant, en faisant profil bas. Mais évidemment, il arrive un moment où il faut abattre ses cartes faute de quoi la partie s’arrête, pour rien.
Chacun joue sa vie et ce n’est pas tant la peur de la mort qui motive les protagonistes mais plutôt un instinct de conservation pour l’enfant à venir. La carte de la générosité que ne tend pas l’ex employé à son ex patron, effectivement n’est pas jouable mais celle de la solidarité le devient.
Quant à la femme porteuse de vie, elle sait que l’enfant à venir trace une ligne d’horizon hors frontières, le vent est de son côté.
En un mot la pièce fait réfléchir sous haute tension.
Il s’agit d’une course contre la mort. Tous les ressorts intimes des protagonistes sont touchés.
Comment nous empêcher de penser que nous pourrions occuper une de leurs places, lorsque nous les voyons tous assis à la même table, le juif, l’employé collaborateur et sa femme enceinte, le nazi et son épouse. Cynique situation !
Servie par d’excellents interprètes, Adieu Monsieur HAFFMANN, illustre avec intelligence, un épisode terrifiant de notre histoire à travers des personnages qui ne sont pas des héros, juste des humains qui définissent leurs propres cartes suivant qu’ils sont animés par la peur, le courage, l’amour ou la haine.
La pièce tient en haleine jusqu’au bout le public. Elle vaut acte de résistance contre l’oubli, l’indifférence, la peur qu’utilisent toutes les dictatures. Elle va droit au cœur !
Paris, le 23 Mars 2018
Evelyne Trân