ADA P TAT I O N CATHERINE CAMUS E T FRANÇOIS CHAUMETTE
M I S E E N S C È N E , S C É N O G R A P H I E , LU M I È R E S E T AVE C IVAN MORANE
CO L L A B O R AT I O N A RT I S T I Q U E : B É N É D I C TE N É C A I LLE
S O N : D O M I N I Q U E BATA I LLE
La chute est un roman très noir d’Albert CAMUS, écrit en 1956, constitué par le monologue tourmenté d’un homme qui raconte «sa descente « aux enfers » à un compatriote rencontré dans un bar d’Amsterdam.
Jean-Baptiste CLAMENCE, avocat, devenu juge pénitent, ne va cesser tout le long du récit de sa chute, d’instruire de manière quelque peu maniaque, obsessionnelle, son propre procès, par une sorte de haine invraisemblable envers lui-même qui l’a submergé, le jour où il a pris conscience de son inertie lors d’un drame, le suicide d’une jeune femme .
De fait, il faudrait faire la part entre ce qui ressort de la mélancolie, une dépression latente du personnage et cette obstination à enfoncer le clou, tel un homme se cognant la tête en hurlant « C’est ma faute, c’est ma faute, ma très grande faute… ».
Les propos amers de CLAMENCE relèvent du constat, d’une vision assez pessimiste de l’homme qui découlerait d’une blessure narcissique mortelle. Dans le miroir, l’homme idéalisé qui se prend pour un dieu, qui jouit de lui même, est en réalité un fantoche, un lâche, auto-satisfait, si planqué dans sa bulle, qu’il ne peut en sortir.
La flagellation n’est sans doute pas la meilleure solution. Mais ce qui frappe dans ce roman, c’est la solitude du personnage. Une solitude si intense qu’elle renvoie au suicide la jeune femme noyée sous un pont de Paris.
Nous pensons qu’il lui manque un interlocuteur, que cette adresse à un compatriote est un artifice. C’est effectivement un artifice, celui dont usent les écrivains, les théâtreux, qui bénéficient d’un troisième œil, celui du lecteur ou du public, véritable parapet pour échapper aux sirènes de la solitude, aux vanités de l’autarcie.
La douleur peut elle se penser elle-même ? En tout cas elle devient le dard qui pousse Jean-Baptiste CLAMENCE à s’examiner sans pitié et à se confesser.
Le monologue de Jean-Baptiste CLAMENCE, est si dense qu’il demandait à être incarné au théâtre.
Physiquement, Yvan MORANE impose l’inquiétude de l’homme blessé qui se débat contre lui même et porte les stigmates d’une souffrance morale, inexplicable intellectuellement. Son interprétation généreuse ne noircit ni « n’innocente » un personnage qui, en somme, préfère avoir mauvaise conscience que de se voiler la face . Dès lors, sa véhémence dans la dénonciation des vanités humaines transgresse le désespoir.
On ressort du spectacle, ému dans tous les sens. Dans « son buisson ardent » l’homme désigné par Camus reste un homme de combat.
Paris, le 31 Octobre 2014
Mis à jour le 22 Septembre 2017 Evelyne Trân