L’AMANTE ANGLAISE DE MARGUERITE DURAS AU THEATRE DU LUCERNAIRE – 53, rue Notre Dame des Champs 75006 PARIS Du 06/09/17 au 12/11/17 –

AVEC

JUDITH MAGRE (CLAIRE LANNES)

JACQUES FRANTZ (PIERRE LANNES)

JEAN-CLAUDE LEGUAY (L’INTERROGATEUR)

ASSISTANT MISE EN SCÈNE : THOMAS POITEVIN

LUMIÈRES : JACQUES ROUVEYROLLIS, ASSISTÉ DE JESSICA DUCLOS

COSTUMES : VICTORIA VIGNAUX

PRODUCTION : ID PRODUCTION ET LE THÉÂTRE DANS LE PRÉ – CIE

 

D’un fait divers criminel particulièrement atroce et rare datant de 1949, l’histoire d’une femme qui dépèce son mari et se trouve incapable d’expliquer son geste, Marguerite DURAS a fait un roman puis tiré une pièce, l’Amante anglaise.

Dans cette pièce, elle met en scène trois personnages, l’héroïne Claire Lannes, le mari, Pierre Lannes, et un curieux inquisiteur qui pose des questions.

Sous les décombres du fait divers – car il y a tout ce qui se dissimule derrière l’énoncé d’un fait – nous assistons au pataugeage des protagonistes comme si le crime en question n’était que l’arbre qui cache la forêt.

Les personnages interrogés chacun séparément, tout d’abord Pierre Lannes, ensuite la meurtrière ne semblent en aucune façon regretter la mort de la cousine sourde muette qui servait de femme de ménage au couple. C’est cette indifférence là plutôt choquante que Marguerite DURAS soulève, met en lumière dans cette pièce.

A travers leur interrogatoire mené par une personne dont on ignore l’identité et qui n’est pas un juge, nous découvrons que Pierre Lannes et Claire Lannes ont vécu dans la même maison pendant des années comme des étrangers, et qu’ils ont pu se supporter grâce à la présence de cette cousine, qui leur a servi de frontière invisible d’autant plus qu’elle était sourde et muette. Son meurtre a au moins permis au couple de se séparer de façon inéluctable, définitive.

L’indifférence est sans doute pire que la haine parce qu’elle n’a pas d’écho, elle crée réellement du vide entre les personnes d’où le sentiment de précipice qui finit par absorber Claire Lannes lorsque par exemple elle jette sans aucune raison un transistor dans le puits.

Marguerite DURAS semble exprimer que les conventions sociales, celle du mariage notamment, ne sont là que pour masquer, rendre invisible tout ce qui dans les comportements humains peut révéler leur nature immorale.

Cette nature immorale c’est Claire Lannes qui l’affiche sans pouvoir l’expliquer. Comment peut-on devenir indifférent à son entourage, résigné, vivre pendant des années avec un homme « étranger », là aussi est la question qu’a explorée de façon moins virulente et plus intérieure, François MAURIAC avec Thérèse DESQUEYROUX.

Chez Marguerite DURAS, le sentiment d’indifférence, cette désaffection de la vie, cette dépression, ne peuvent être culbutés que par la folie, un détachement de la réalité, le rêve et la fantaisie.

A l’instar du personnage de Beckett, Winnie dans « Oh les beaux jours » Claire Lannes s’est enlisée dans une réalité qui ne lui était pas propice, et la tête de sa victime dont elle refuse d’indiquer l’emplacement, ne serait que la sienne fantasmée. Fleur coupée de la vie, elle appelle au secours « Si je vous disais où est la tête, vous me parleriez encore…si j’avais réussi à vous dire pourquoi j’ai tué cette grosse femme sourde, vous me parleriez encore, moi à votre place, j’écouterai, écoutez-moi je vous en supplie ! ».

Judith MAGRE illumine cette Claire LANNES par son charme, sa vitalité, elle est la véritable fleur de cette réalité lugubre et mesquine que lui tendent son mari et l’interrogateur interprétés justement par Jacques FRANTZ et Jean-Claude LEGUAY.

Le portrait de cette criminelle n’est sans doute pas réaliste mais c’est tant mieux. Le fait divers relaté par Marguerite DURAS devient dans cette mise en scène de Thierry HARCOURT,  la rose qui éclot à travers un mur délabré, telle la rose de Jean GENET. Imaginaire, elle a surgi, c’est elle, la tête que nous cherchions !

Paris, le 26 Février 2017  

Mis à jour le 8 Septembre 2017                         Evelyne Trân

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