Le Horla est toujours présenté comme une nouvelle fantastique de Guy MAUPASSANT. Pourtant à la lumière de la biographie de l’auteur, elle dépasse, à notre sens, le cadre de la littérature fantastique, pour devenir un témoignage humain poignant d’un individu, victime de troubles de la perception.
Nous sommes tous plus ou moins habités par quelques fantasmes, complexes, angoisses ou névroses généralement bien enfouis dans l’inconscient mais si ces démons venaient a prendre forme, à s’extérioriser, comment réagirions nous ?
Tout le long de son récit, le narrateur, un homme ordinaire et plutôt enjoué exprime le processus du cataclysme dont il est victime, une sorte de dissolution des frontières entre sa perception du bien, le bien être, et sa perception du mal, la présence d’un être invisible qui voudrait le déposséder de lui même.
La narrateur est-il en train de devenir fou, difficile de l’affirmer car ses propos semblent parfaitement sensés, ils découlent d’un homme dont l’acuité de la perception ne permet pas le doute, non le Horla n’est pas le fruit d’hallucinations, il existe comme le mal existe de quelque façon qu’il soit décrit.
Ce Horla ne pourrait-il pas être une projection du propre être invisible du narrateur, un refoulé de sa personnalité, une autre face de lui même, celle qui ne peut s’exprimer que dans l’intimité ?
Sans sa couleur du fantastique, le témoignage de cet homme serait insoutenable comme la souffrance mentale qu’il éprouve, mais Maupassant possède l’art de raconter sans se départir d’une certaine ivresse celle de la sublimation du mal, transformant une expérience douloureuse en véritable thriller.
Ce personnage, nous l’aurions volontiers imaginé sous l’aspect d’un beau ténébreux, une sorte de Raskonilkov tourmenté. En découvrant son interprète au Lucernaire, nous découvrons au contraire un homme sympathique, bon vivant, simple, sans prétentions, le voisin idéal en somme. Le contraste entre sa personnalité et sa terrible aventure nous renvoie à notre propre banalité. Mais c’est tout le sujet de la nouvelle d’ailleurs, cette rencontre d’un homme ordinaire avec un être extraordinaire, un Horla extraterrestre.
Florent AUMAITRE, mis en scène avec délicatesse par Slimane KACIOUI, innerve avec une remarquable aisance tous les tourbillons de pensée du narrateur. Cela est en soi fantastique d’éprouver grâce à son interprétation l’acuité de la perception de Maupassant, « humain, trop humain ».
Paris, le 14 Août 2017 Evelyne Trân