Mise en scène : Marie-Claude Pietragalla,
Daniel Mesguich
Julien Derouault,
Chorégraphie : Marie-Claude Pietragalla,
Daniel Mesguich
Julien Derouault
Pièce pour 11 danseurs / comédiens
Avec : Julien Derouault (Lorenzo de Médicis), Marie-Claude Pietragalla (Marquise Cibo), Abdel Rahym Madi (Duc Alexandre de Médicis), François Pain-Douzenel(Philippe Strozzi), Anouk Viale (Marie Soderini), Simon Dusigne (Cardinal Cibo),Fanny Gombert (Catherine Ginori), Caroline Jaubert (Louise Strozzi, Tebaldeo),David Cami de Baix (Pierre Strozzi), Benjamin Bac (Giomo, Scoronconcolo), Olivier Mathieu (Salviati)
Conception visuelle et scénographie 3D : Gaël Perrin
Création costumes : Sylvaine Colin
Création musicale : Yannaël Quenel
Création lumière : Samuel Boulier
Nous avions du mal à y croire que Lorenzaccio, cette pièce si ambitieuse de Musset, puisse être chorégraphiée. En réalité ce n’est pas la pièce intégrale de Musset qui est mise en scène car évidemment il a fallu faire un choix parmi les 39 scènes qu’elle comporte. Il s’agit donc d’une lecture transversale de la pièce par des artistes à deux casquettes, celle de danseur et de comédien.
Les trois metteurs en scène, Daniel Mesguich, Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault y rêvaient depuis longtemps. Pourquoi en effet toujours séparer le verbe de la danse. N’ont-ils pas le droit de fusionner parfois. Nous le savons bien les mots habitent le corps, leur véritable siège mental et physique. Et si nous écoutons parler Lorenzo avant de l’écouter danser, nous sommes saisis par la volubilité du personnage, ses incohérences de langage qui trahissent ses émotions. C’est tout le génie d’un dramaturge de pousser la langue hors de ses gonds conventionnels, tout en respectant ses codes. Si la poésie a souvent du mal à se faire entendre c’est sans doute en raison de son aspect irrationnel.
Cette sensation d’irrationnel emporte le danseur, artiste peintre aussi à sa façon puisque gestuelle. L’écriture également est inséparable du geste (mais nous l’avons peut-être oublié) car il est possible de faire danser les mots en les écrivant dans l’air.
Ce sont ces multiples correspondances entre théâtre, danse, visuels, musique, qu’explorent, combinent les trois metteurs en scène .
Cette mise en scène de Lorenzaccio qui a vocation de faire dialoguer le théâtre et la danse, constitue une première. Même si comme le constate Daniel Mesguich « La danse a nettement pris le pas sur le théâtre » nous pensons comme lui que le sillon mérite d’être creusé. Le spectacle bénéficie de la superbe scène du château de GRIGNAN. Les visuels sont splendides. Les artistes endossent pleinement leur double casquette de danseurs comédiens. Les chorégraphies donnent à voir différents tableaux assumés par la personnalité de chacun des interprètes : scène chorale des débauchés, scène de la marquise Cibo interprétée par Marie-Claude Pietragalla, scène particulièrement saisissante d’un père soulevant sa fille assassinée, scène du meurtre du Duc par Lorenzo etc … Chaque partition est unique et il n’est guère nécessaire de faire le lien entre chacune d’elles sauf à se souvenir que l’action se déroule à Florence en 1537 sous le règne corrompu d’Alexandre de Médicis qu’un jeune homme Lorenzo s’est juré d’éliminer. Or pour approcher le tyran, il a dû rentrer dans son jeu, devenir un débauché.
Julien Derouault, formidable danseur, nous offre une vision de Lorenzaccio, vertigineuse. Il laisse entendre la juvénilité fougueuse du personnage, c’est cet éclat de jeunesse qui fait resplendir toute la noblesse de Lorenzaccio. Scotchés, nous n’avons plus de mots, nous regardons.
Paris, le 16 Juillet 2017 Evelyne Trân