Et s’il y avait une toile d’araignée en chacun de nos regards en guise de voile pour soutenir ce gramme d’innocence que seuls les enfants manifestent et que les adultes traduisent en disant « Un ange passe ».
De tout ce qui nous échappe, grands Dieux, Ambra Senatore s’inspire ! La scène où se meuvent les danseurs, fait penser à une main géante parcourue par une seule goutte d’eau qui suivant les lignes, les monts et les vallées, grossit les êtres qui la culbutent.
Amusez-vous à contempler une feuille d’arbre où croupit un peu d’eau gelée par le soleil. Les danseurs et les danseuses prennent parfois la position de feuilles dormantes, ils ont la démarche chaloupée de jeunes chats.
Ils parlent d’espace collectif où ils avanceraient aimantés par quelque souvenir, la scène originelle, scena madre, pour à pas de moineaux – imaginez un moineau discuter avec un congénère de la taille d’une miette de pain – comme au jeu de la marelle, laisser chuter la phrase d’une banalité précieuse « Madame, vous avez perdu quelques chose ».
Poussière de petites phrases qui s’agitent dans le vent, l’air élastique où le bonheur d’être un et plusieurs s’agite comme un éventail incrusté de souvenirs qui tomberaient dans le filet d’un chasseur de papillons,
Le spectacle d’Ambre Senatore est d’une texture fine, retenue, sensible aux vides et parapets d’ondées et d’éclairs. On n’entendrait pas une mouche voler. Si, juste le moment d’y songer. De fait, il faut oublier le chasseur de papillons, il faut lâcher prise, se laisser prendre par la vague, avoir le sourire va et vient d’une lune accrochée aux arbres : Madame, vous avez perdu quelque chose ! Et si dans votre sac à commissions résonnent toutes sortes de fragments de musique, de l’orgue à la sirène des pompiers, dîtes vous que c’est comme ça, le quotidien a du nerf, faut qu’il s’exprime, qu’il aiguillonne le manège de nos danseurs, au grand dam de l’Inconscient !
Paris, le 1er Juillet 2017 Evelyne Trân