Direction musicale Jean-Luc TINGAUD
Chefs d’orchestre Olivier DEJOURS et Loïc OLIVIER (en alternance)
Avec Claude AUFAURE le Lecteur
Licinio DA SILVA le Diable
Fabian WOLFROM le Soldat
Aurélie Loussouarn la Princesse
et l’Orchestre-Atelier Ostinato
Costumes Michel DUSSARAT
Lumières Christelle TOUSSINE
Assistant à la mise en scène et chorégraphies Sebastiàn GALEOTA
Peinture murale Laurence BOST
Durée 1h10 Production Théâtre de Poche-Montparnasse
Ils ont tout l’air de soldats pantins avec leurs uniformes, rouges et bleus, destinés à la cour de récréation de quelques bambins. Ils respirent l’image d’Épinal, très pimpante qui réjouissait nos aïeux au début du siècle dernier.
Faut-il croire que l’écrivain suisse RAMUZ et le musicien russe STRAVINSKY se soient rencontrés sur un nuage lorsqu’ils ont conçu l’histoire du soldat inspirée d’un conte folklorique russe en 1918,
Il s’agit d’un mimodrame pour théâtre ambulant destiné à être joué dans les villages, les campagnes pour divertir le public, pendant la guerre. C’est « la seule œuvre scénique avec allusion contemporaine » disait STRAVINSKY.
La façon dont la musique va mettre en mouvement les personnages, c’est déjà du cinéma, mais il fallait avoir l’idée de faire des soldats, des musiciens, des sortes de soldats du ciel, des petits anges armés de leurs seuls instruments devenant les arbitres d’une lutte sans merci entre un jeune soldat naïf et le Diable (l’armée ennemie).
Il faut l’entendre penser la musique de STRAVINSKY, tour à tour rêveuse, féminine, extravertie, elle cristallise toutes les exclamations du public, c’est elle qui a vocation d’illustrer musicalement chacune des actions des personnages que le narrateur énonce avec de courtes phrases.
Le « Il était une fois » terrible de la destinée du soldat frémit sous la plume de l’auteur qui craint déjà d’être allée trop loin. Et Zut, qui ne troquerait son violon à dix balles contre un magnifique crédit d’argent et de pouvoir ? Le jeune soldat ne résiste pas au Diable et découvre devenu riche qu’il s’est coupé du monde, de sa vieille mère, sa fiancée qui ne peuvent plus le reconnaître…
Et le conte finira mal parce qu’on ne peut pas tout avoir, être à la la fois celui qui est et celui qui était.
L’expérience est cruelle mais le soldat finit par faire contre mauvaise fortune bon cœur, accepter d’avoir tout perdu après avoir cru tout posséder.
« Qu’importe, doit se dire le jeune soldat contraint de suivre en enfer le Diable, j’aurai quand même été bousculé par l’essentiel, l’apparition de la fille du roi, qui absout par sa beauté et sa grâce toutes les désillusions».
Le metteur en scène Stéphan DRUET avec une grande sobriété offre un magnifique écrin à cette histoire de soldat brochée par Ramuz et Stravinski dont les signaux sans fard conjuguent le merveilleux, l’innocence et l’antique sagesse.
Les musiciens semblent rêver tout en jouant et c’est de leur rêve que découle l’histoire de ce soldat, ce quidam, qui n’affiche qu’une seule broche, son inaltérable espérance.
Il va sans dire que tous les artistes sont complices par leur talent de cet instantané de fraîcheur qui émane du spectacle, notamment : Claude AUFAURE qui apporte sa distinction unique, Licinio DA SILVA en diable plein d’esbroufe, Fabian WOLFROM, le jeune premier et la danseuse Aurélie LOUSSOUARN, divine.
La plupart des contes sont de bois dormant, celui de RAMUZ et STRAVINSKY de bois musical enchanteur.
Ce spectacle ensorcelé devrait séduire aussi bien les adultes que les enfants !
Paris, le 28 Mai 2017 Evelyne Trân