Le Petit Théâtre du Bout du Monde – Opus I – à La Criée, Théâtre National de Marseille – 30 quai de Rive Neuve 13007 Marseille du 4 au 13 MAI 2017

Prochaines dates :

  • Mar. 9 mai 2017 20h00
  • Mer. 10 mai 2017 19h00
  • Jeu. 11 mai 2017 20h00
  • Ven. 12 mai 2017 20h00
  • Sam. 13 mai 2017 16h00
  • Sam. 13 mai 2017 20h00

Mise en scène, scénographie et marionnettes Ezéquiel Garcia-Romeu
Dramaturgie, regard extérieur Laurent Caillon

Avec Ezéquiel Garcia-Romeu / Issam Kadichi, en alternance

Créations sonores Samuel Sérandour Costumes Cidalia da Costa et Myriana Stadjic Peinture des décors Claudia Andréa Mella Diaz Accessoires Sabrina Anastasio Technique et mécanismes Thierry Hett et Frédéric Piraïno

« Objets inanimés, avez vous donc une âme… » s’exclamait Lamartine. Rien n’est inanimé nous révèle la science, même une pierre est vivante. Les informations scientifiques peuvent bien justifier nos intuitions, celles notamment des marionnettistes qui savent se déplacer au-delà de nos chemins balisés en faisant intervenir leurs créatures issues de leur imagination, capables de se détacher de notre habillage diurne pour explorer les labyrinthes de notre inconscient préhistorique.

« Comme vous y allez, inconscient préhistorique ! – Ben oui, au risque de paraître pédant ». Où irait-elle donc se nicher notre valeureuse idée de l’homme ? Apparition, disparition, l’homme ne serait-il qu’une girouette agitée par quelque dieu manipulateur, un obscur marionnettiste ?

Penchons nous sur notre préhistoire ! C’est incroyable, semble nous dire Ezéquiel Marcia Romeu, elle est à deux pas de nous, elle date du siècle dernier, de quoi faire frémir les seniors qui retrouvent des objets familiers devenus obsolètes, tels qu’une vieille télé, ancienne machine à écrire, pick-up, disque vinyl, sonnerie de téléphone moyenâgeuse.

Et comment donc ? En remuant les yeux au-dessus d’un grand aquarium, curieux vivier où paressent tels des poissons, des créatures à visage humain que réveille très, très doucement, voire prudemment, le marionnettiste tel un plongeur sous marin.

Ces bestioles sont-elles des archétypes d’une humanité en voie de disparition ? Sont-elles représentatives de ce que nous appelons l’humain. Une chose est sûre, elles accomplissent des actions quotidiennes similaires aux nôtres : regarder la télé, aller aux toilettes, attendre un bus, poster un courrier etc…

Les spectateurs sont invités à se déplacer autour de ce vivier, des petites filles vont et viennent apparemment très intéressées par le spectacle, l’une d’elle rentre à l’intérieur de la grande boite en verre, elle fait penser à Alice au pays des merveilles, son intrusion dans le pays n’était pas prévue, le Singe Taupe aux yeux lumineux l’invite à boire le thé. Prévenue par téléphone, une dame va rechercher la fillette pour poster une lettre.

Toutes les scènes prévues, imprévues sont rythmées par une musique très suggestive qui mêle roulement de tambours, cloches tibétaines, bruits de cymbales. A vrai dire il est difficile d’identifier la forêt de bruits étranges qui se succèdent, gémissements, rires grinçants, borborygmes, chuintements sourds.

Mais même dans la forêt du bout du monde – imaginons une radio au pied d’un arbre, alimentée par l’énergie solaire – les médias se manifestent à travers une voix sépulcrale pour quelques annonces extraites du journal « Le Monde ».

La voix de Cassandre évoque le bouleversement de la planète généré par l’homme depuis le Big Bang et cite un directeur des abattoirs de Toulouse qui parle d’une crise de la représentation humaine « Il ne reste pour l’appréhender que la connaissance poétique ».

Nous apprenons également que Bill Gates a dépensé des fortunes pour mettre en route les toilettes du futur qui auront vocation de recycler les excréments, sans eau ni électricité.

Cette information est suivie d’une musique religieuse avec chœurs. L’association entre matières fécales et musique spirituelle n’est pas dérangeante, recyclage oblige !

Et puis, le puits n’est-il pas profond, celui où se penche l’homme pour scruter son image ?

Certaines scènes sont d’une poésie extrême (le terme extrême est à la mode). Celle de l’enveloppe rattachée à un fil comme une colombe un fil à la patte. Celle de la vieille dame qui lutte contre une porte, passe la tête dans un trou pour essayer de voir, de comprendre ce qui lui arrive, ce qui va arriver. Elle lève les yeux stupéfiée par l’apparition d’un drone « sauvage », entourée de nuages.

Des sifflements d’oiseaux persistent dans la pénombre, notre monde n’est pas encore perdu. Pour preuve le désuet, l’angélique de nos vies ordinaires, qui se rappellent toujours à l’improviste comme les gazouillements d’un bébé dans les bras de sa mère, penchée sur l’aquarium.

Ezéquiel Garcia-Romeu et toute son équipe donnent l’impression de s’adresser au public avec la même délicatesse dont doivent faire preuve les marionnettistes pour sonder l’espace et le temps, celui qui prend son temps, en veille, en sourdine, mais en réalité très vivant, sollicitant à la fois l’oreille et la vue qui s’émerveillent face à l’infiniment petit, l’homme dans l’univers, transfiguré par des marionnettes.

Un fabuleux voyage cosmique au centre de la terre pour petits et grands, ensorcelant !

Paris, le 7 Mai 2017                                    Evelyne Trân

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