LILI – Du 07 Mars au 09 Avril 2017 du Mardi au samedi à 20 H 30. Dimanche à 16 H – D’après Le désespoir tout blanc de Clarisse Nicoïdski – Mise en scène de Daniel MESGUICH au THEATRE DE L’EPEE DE BOIS à la Cartoucherie – Route du champ de manoeuvre – 75012 PARIS –

Quels pas irions nous rejoindre dans la conscience ? Y en a t-il qui grondent plus que d’autres ? La salle en bois du Théâtre de l’Épée de bois est à demi-obscure . La lumière est spéciale, elle fait penser à celle qui rôde dans les églises entre les parapets des chaises et les touches de clarté fugitives aléatoires, confinées dans l’ombre, l’on imagine facilement qu’elles puissent être habitées, occupées de concert par des êtres invisibles.

C’est sans doute parce que Lili est à la fois un être monstrueux et invisible que la demi-obscurité lui sied. Lili c’est l’idiote de la famille, l’idiote du village qui a cette voix discordante et usée à force d’avoir essayé de s’entendre ou d’être entendue.

En vérité, elle s’entend Lili. Ses mots, ses pensées qui témoignent de sa luminosité active, occupent avec beaucoup de vivacité l’espace de réclusion qui lui a été réservé.

C’est un monde à part, celui de Lili puisqu’elle n’est pas comme les autres. Alors mieux vaut ne pas s’en approcher, ne pas lui parler. Il lui manque un case, laquelle, allez savoir ? Lili supporte les brimades de ses proches depuis tant de temps, c’est devenu son quotidien, comment se révolterait-elle ? Cette case qui lui manque selon les autres, elle en a fait sa corbeille de fruits, son jardin de liberté, d’innocence, de découvertes. Lili a sa façon à elle d’interpréter le monde, qui est d’autant plus sensible qu’elle n’est pas limitée par l’ordinaire, les règles du politiquement correct qui sévit aussi en famille.

D’une certaine façon Lili parle une langue étrangère à celle de sa famille qui la traite comme une allogène.

Et cela pèse de tout son poids sur les épaules de Lili, ce sentiment d’être l’idiote, cela pèse si lourd qu’elle doit se dédoubler, dépasser le cadre du miroir, elle qui se trouve au bord, juste au bord.

Les autres agissent comme un buvard, les autres qui sont le jour n’en finissent pas de vouloir la faire reculer dans l’ombre. Le jour la menace d’engloutissement.

Qui est Lili ? Cette femme un peu difforme, originale qui raconte ce qu’elle vit comme elle le ressent dans un milieu étranger et hostile que son imaginaire apprivoise pourtant avec aplomb ou bien cette autre, beaucoup plus souffreteuse, qui gesticule sans parole, cherche en vain quelque refuge du côté des meubles abandonnés, elle qui n’est considérée de fait non pas comme une personne mais un objet encombrant.

Dans sa mise en scène, digne des plus grands portraitistes, Daniel MESGUICH, sans aucune prétention de réponse, nous donne à voir celle qui s’impose par sa présence, qui existe et celle qui se tait, celle qui fuit, insaisissable, apeurée, celle qu’on n’appelle pas. Toutes les deux sont Lili, l’héroïne du roman « Le désespoir tout blanc » de Clarisse NICOIDSKI .

Il appartient au public de recevoir ces deux Lili, superbement interprétées par Catherine BERRIANE et Flore ZANNI, d’éprouver confusément qu’elles nous concernent terriblement.

Entre la silhouette difforme de Lili, belle comme un arbre, et l’autre Lili effarouchée, aussi légère qu’une nymphe, pas à pas croissant vers la clairière, oui, se distingue notre Lili.

Paris, le 12 Mars 2017                                    Evelyne Trân

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