du mercredi au samedi à 19h et le dimanche à 15h
relâches les 3 février / 8 – 9 – 10 – 22 – 23 – 25 mars
supplémentaire: mardi 7 février 20h
genre : Théâtre Classique
durée : 1h25
Artistes : en alternance: Aymeline Alix, Laura Chetrit, Romain Dutheil, Anthony Audoux, Ronan Rivière, Jérôme Rodriguez, Olivier Lugo, Jean-Benoît Terral, Léon Bailly, Olivier Mazal
Metteur en scène : Ronan Rivière
Qui donc accuser sinon le diable ou Satan de l’épreuve du malheur. Il s’agit d’une réaction spontanée qui a son siège dans le psychisme et qui peut aussi bien être partagée par les adeptes d’une religion que par les sans religion.
Le génie de Goethe, nous semble t-il, ait d’avoir donné figure à des fantasmes produits par des rapports de forces émotionnels d’une intensité telle qu’ils peuvent conduire à la folie.
L’on pourrait se demander si la figure mythique du diable n’a pas précédé celle de Dieu lui même. Il, est assez facile de se référer aux pulsions de mort et de vie de la psychanalyse. Une chose est sûre c’est que ni la culture ni l’éducation qu’elle ait été religieuse ou pas n’épongent ce qui relève de la subjectivité, du sentiment identitaire d’un individu submergé par la souffrance.
Faust représenterait cet individu qui découvre que le savoir auquel il s’est identifié a asséché son âme et même son désir de vivre. L’illusion de la toute puissance est proprement organique. Il est banal de dire que l’homme est capable du pire et du meilleur, avec la même énergie. Le Méphistophélès qui apparaît à Faust est drôlement humain ou tout simplement vivant parce qu’il adhère à cette philosophie de la vie qui observe que le lâcher prise vaut bien tous les tumultes de la passion : « Quoi, vous voudriez empêcher la terre de tourner, le soleil de briller, les guerres et les tremblements de terre, la souffrance inéluctable ? Étes vous donc un surhomme pour promulguer de tels vœux ? »
En somme Méphistophélès dit à Faust « Fais ce que tu veux puisque de toute façon … » Donner son âme, cela signifie symboliquement le renoncement à toutes les valeurs fondatrices, celles notamment qui garantissent le sentiment de dignité, celles forgées par la morale, la religion, le savoir.
Il reviendra à Marguerite figure vivante du malheur, cœur pur déchu, d’exprimer qu’il ne lui est pas possible de renoncer à ses sentiments intimes et donc de sauver son âme.
La version resserrée du Faust de Goethe que nous offre Ronan RIVIERE, nous plonge dans une atmosphère fantasmatique qui rappelle celle du film éponyme de MURNAU. Son interprétation de Méphistophélès, très humaine est particulièrement remarquable. La modernité de Faust représenté par un jeune homme qui se cherche est frappante, mais c’est la nature même de Marguerite, sa féminité, sa simplicité transcendant le surnaturel qui éclaboussent le spectateur d’une émotion inestimable et ce grâce au talent de Laura CHETRIT.
Un bel escalier amovible, jouet des ombres et lumières du jour et de la nuit, de ce diable de désir et passions tourmentées, fait office de personnage à lui seul sur la scène, sa silhouette évoque celle de Méphistophélès dont la longue robe rouge s’apparente à celle d’un insecte grimpeur parasite des forêts.
Évidemment, il serait présomptueux de prétendre avoir épuisé le mythe de Faust. Dans la version de Ronan RIVIERE qui utilise la traduction de Gérard de Nerval, il dégage toute sa puissance onirique, si chère à Freud. Aussi, sans avoir abordé l’œuvre authentique de Goethe et la profusion des commentaires qui l’entourent, il est possible d’en éprouver les effets.
Est-il imaginable que Faust ce héros si humain se mirant dans une flaque d’eau éclairée par la lune, ait compris que ses remous formaient l’illusion totale de la vie avec pour interlocuteurs Méphistophélès et Marguerite. Qui peut rêver mieux !
Paris, le 29 Janvier 2017 Evelyne Trân