LES ENFANTS DU SILENCE de Mark Medoff – Mise en scène Anne-Marie Etienne – Avec la troupe de la Comédie-Française – AU THEATRE ANTOINE – 14 boulevard de Strasbourg 75010 PARIS – A partir du 17 janvier 2017 – Mardi au samedi à 21h – Dimanche à 15 H – Surtitrage : tous les mardis à 21h et dimanches à 15h –

 

  • les-enfants-du-silenceDistribution : De Mark Medoff, mise en scène Anne-Marie Étienne. Avec, de la Comédie-Française, Catherine Salviat, Alain Lenglet, Coraly Zahonero, Françoise Gillard, Laurent Natrella, Elliot Jenicot, Anna Cervinka
  • A l’origine, la pièce les Enfants du silence (titre original Children of a Lesser God) de Mark MEDOFF, représentée à Broadway en 1980, était interprétée par des comédiens sourds et malentendants. Il s’agit d’une pièce bilingue en langue des signes et langue parlée. 
  • Cette pièce met en scène à travers une histoire d’amour,  celle d’un orthophoniste et d’une jeune sourde, les difficultés relationnelles entre deux univers, deux modes d’expression, celui  des entendants et celui des sourds. Sarah la jeune sourde qui refuse de parler, entend s’exprimer exclusivement dans la langue des signes. Ce faisant , elle affirme sa différence et le fait qu’elle fait partie d’une minorité . Lâcher du lest pour mieux s’intégrer aux codes de la majorité, ceux des entendants, cela signifie pour elle d’une certaine façon, perdre l’identité qu’elle s’est construite contre vents et marées lorsque durant son enfance, elle a du lutter affectivement, moralement  contre l’incompréhension de son entourage, familial et social  qui la considérait comme une attardée mentale. Le malentendu est de taille, il a créé un fossé affectif notamment entre la mère et la fille qui ne peut pas être résorbé par un coup de baguette magique.  La surdité que revendique Sarah parce qu’il s’agit de sa propre vie, de son mode intrinsèque d’existence  constitue aussi une frontière, un mur pour son entourage et naturellement son amoureux, le mari orthophoniste qui pense qu’au nom de l’amour, le couple qu’ils forment, doit, en dépit de leurs différences, les amener à partager leurs cultures, leurs émotions propres. 
  • La pièce se focalise donc sur ce charbon ardent du droit à la différence. Schématiquement, il s’agit d’une confrontation entre deux entités, la minorité et la majorité : une communauté de sourds entend œuvrer pour son indépendance et sa liberté et doit lutter contre la communauté dominante des entendants qui l’a opprimée et  ignorée. De fait, la langue des signes en France n’a été reconnue officiellement qu’en 2005. Aujourd’hui elle est enseignée également aux entendants qui sont séduits par ce mode de langage. Il est évident que la langue des signes est très attractive mais il ne suffit pas de l’apprendre pour entrer dans l’univers, la culture et tout simplement l’intimité et la réalité au quotidien des sourds et malentendants. 
  • La communauté des sourds qui ne dispose pas des mêmes moyens qu’un théâtre institutionnel, a manifesté d’ailleurs son désaccord concernant l’interprétation de cette pièce par des comédiens entendants.

     Il est juste d’entendre son émotion mais il faut reconnaître que les comédiens entendants mis  en scène  par Anne- Marie Etienne paraissent très engagés dans leurs rôles de sourds . Nous ne sommes pas à même de juger de leur dextérité dans le maniement de la langue des signes mais d’un point de vue théâtral et expressif , Françoise GILLARD est  particulièrement captivante. Elle fait véritablement passer le message de cette jeune sourde Sarah, écorchée,  à la fois fragile et agressive. Quant à Laurent NATRELLA, l’orthophoniste amoureux, son jeu enjoué permet de faire rayonner une atmosphère qui autrement glisserait dans le tragique. Des situations cocasses de malentendus entre entendants et sourds parsèment par ailleurs la pièce.

     La mise en scène de Anne-Marie Etienne se déroule habilement en plans séquences,  les coutures sont réversibles de sorte que les changements de situations glissent comme dans un film. Les décors sont dépouillés, élémentaires, comme si les personnages absorbés par leurs problèmes ne les voyaient pas. Ce sont des espaces qui brillent par leur effacement, leur neutralité, leur pauvreté aussi, celle la même que l’on retrouve dans les lieux publics.

     L’essentiel demeure la présence des comédiens sur l’espace texte de Mark MEDOFF adapté par Jean Dalric et Jacques Collard, qui fait preuve d’une grande virtuosité, galvanisé par ce défi de dialogue entre sourds et entendants.

     Le spectacle est parlant, poignant, il est de nature à sensibiliser le public  sur cette fraction de l’humanité sourde qui a réussi à créer sa propre langue, que nous côtoyons sans la connaitre, par ignorance . Non, semble nous dire la metteure en scène Anne-Marie Etienne, la culture de sourds  n’est  pas un jardin défendu aux entendants, sa richesse, doit les interpeller. C’est une question de créativité laquelle s’enrichit des différences  en confrontant les imaginaires, les rêves aux réalités coites et rigides.

     Paris, le 19 Avril 2015  

  • Mise à jour  le 27 Janvier 2017           Evelyne Trân  

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