EICHMANN A JERUSALEM, ou les hommes normaux ne savent pas que tout est possible. – Texte de Lauren HOUDA HUSSEIN – Mise en scène Ido SHAKED – d’après le procès d’Adolf EICHMANN à JZERUSALEM en 1961 – au THEATRE DU SOEIL à la CARTOUCHERIE DE VINCENNES – Route du Champ de Manœuvres, 75012 Paris – du 8 au 18 Décembre 2016. du mercredi au vendredi à 20h30, le samedi à 15h30 et 20h30, le dimanche à 15h30 Durée : 1h30

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Une création du Théâtre Majâz

Texte Lauren Houda Hussein
Mise en scène Ido Shaked

Avec Lauren Houda Hussein, Sheila Maeda, Caroline Panzera, Mexianu Medenou, Raouf Raïs, Arthur Viadieu, Charles Zévaco

La mise en scène du procès d’EICHMANN d’Ido SHAKED sur le texte et le montage saisissants de Lauren HOUDA HUSSEIN est sidérante. Le procès quel qu’il soit peut apparaître comme une entité « monstrueuse ». L’on y assiste la plupart du temps à une déportation de la parole, des émotions dans un contexte qui entend abolir ce qui relève de la subjectivité. Ce qu’il y a d’humain, de chaotique, d’indicible est frappé de plein fouet par une mise en scène qui le dépasse. Si l’on attend d’un procès qu’il puisse permettre à un homme en son âme et conscience de dire toute la vérité, qu’il se trouve sur le banc des accusés ou celui des témoins, la déception laissera toujours un goût amer dans la bouche.

Les témoignages terribles des victimes d’EICHMANN (les paroles rapportées proviennent des minutes du procès) n’ont pas permis de l’émouvoir, voire de le faire craquer. Parce qu’il leur a été demandé de s’exprimer dans la même langue que celles des juges et du bourreau .

Qui ne le sait, il n’y rien de plus déstabilisateur pour un homme que l’émotion qui le submerge. C’est le langage qui joue le rôle de parapet avec ses fameuses règles de grammaire, pour la contenir. Mais en vérité, elle est toujours là, elle occupe toutes ces particules du corps vivant, se durcit comme une roche lorsqu’elle n’a pas pu s’évacuer, peut aussi devenir de l’eau stagnante, pourrissante.

Certains politiques savent très bien utiliser ces émotions qui sentent mauvais, la peur, la haine de l’autre, le sentiment de frustration, elles font partie du corps humain.

EICHMANN apparaît comme un homme qui a été vidé de ses émotions, un lobotomisé, un robot sans âme. C’est alors que nous pouvons comprendre que les juges et les victimes n’avaient personne en face d’eux. Comment se battre contre personne, comment lutter pour que l’intolérable ne se reproduise plus, si nous sommes incapables de cerner comment il s’est répandu ?

Une voix discordante s’est exprimée lors du procès EICHMANN, celle d’Hannah ARENDT, philosophe et journaliste. Elle a soulevé la question de la banalité du mal et il lui a été reproché de remettre en question le comportement des victimes, leur soumission. Large débat car il y a eu toutes sortes de victimes, chacune avec son histoire personnelle soudain annihilée, effacée, gommée !

Nous savons pourtant une chose c’est que cette vague énorme de l’holocauste, nombre d’observateurs l’ont vue s’avancer sans qu’aucune digue ait pu la retenir.

Cette vague menaçante, il appartient à ceux qui la dénoncent, de la scruter, elle est aussi peuplée de chacune des particules de notre conscience, elle ne s’appelle ni Hitler, ni Eichmann, ni personne en particulier. Il faut la regarder en face non plus comme un monstre, ni même une banalité mais comme une excroissance de nos dénis, nos ignorances, nos peurs.

En tant que vivants, nous ne devrions pas nous raccrocher à cette chape de plomb de l’oubli ou de l’indifférence, ni à celle du néant et de la mort. Recouvrer le chemin des émotions subjectives, la mise en scène de ce procès, nous y engage, en faisant apparaître cette promiscuité de chacun des protagonistes. Les comédiens jouent tous les rôles aussi bien ceux des témoins que ceux des juges ou de Eichmann sans distinction physique comme à la lecture des minutes du procès par un archiviste qui ne se trouve pas distrait par l’observation charnelle. Cette distanciation se révèle très parlante, parce qu’elle est ponctuée par des gestes d’écriture à même le sol pour marquer cette sensation de déshérence, d’impuissance et quelques mots blafards projetés sur le mur qu’il appartient à chaque spectateur de saisir avec sa propre imagination, sa propre mémoire.

Ce spectacle remarquable fait froid dans le dos mais il réchauffe de l’intérieur !

Paris, le 11 Décembre 2016                                 Evelyne Trân

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