Photo Bruno Ansellem
Distribution
texte Abdelwaheb Sefsaf et Jérôme Richer | mise en scène Abdelwaheb Sefsaf | collaboration à la mise en scène et dramaturgie Marion Guerrero | assistante à la mise en scène Nine D’Urso | composition et direction musicale Aligator (Baux/Sefsaf) | avec Marion Guerrero comédienne, chanteuse, Abdelwaheb Sefsaf comédien, chanteur, Georges Baux guitares, piano, Nestor Kéa live machine et instruments acoustiques, Toma Rochecomédien, chanteur | son Tom Vlahovic | lumières et vidéo Alexandre Juzdzewski
production: Compagnie Nomade in France | coproduction: Théâtre de la Croix-Rousse, Centre culturel Aragon-Oyonnax, Ville du Chambon-Feugerolles, Le Train-Théâtre – Portes-Lès-Valence | avec le soutien du dispositif APSV de la Région Auvergne- Rhône-Alpes
Elle est humaine, organique la révolte qui sourd sous les décombres des murs qui ensevelissent aussi bien leurs constructeurs que leurs victimes. Si les murs ont vocation à s’écrouler un jour ou l’autre, leur édification a occupé et occupe tant de vies humaines qu’il serait peut être temps de faire leur inventaire.
Ce sont 41000 km de murs soit une fois le tour de la terre qui ont été bâtis et qui à l’instar de la muraille de Chine dont on dit qu’elle est visible de la lune, donnent une sinistre image de l’humanité.
Tout le monde connaît l’expression « Abattre des murs » mais elle résonne de façon bien trop abstraite, c’est pourquoi la Compagnie Nomade a décidé de donner la parole à ceux qui ont tous une histoire de mur à raconter en tant que constructeurs ou ennemis désignés.
On nous parle de murs anti-migration, anti-pauvres, anti- terroristes, anti-envahisseurs, anti-barbares, anti-étrangers, anti, anti, anti… Mais ne se projettent sur ces murs que des visages exsangues, apeurés, aux abois. Seuls quelques constructeurs « sans foi ni loi, sans couleur, sans religion » peuvent remonter fièrement leurs pantalons, vu que c’est un marché commercial lucratif aussi la construction de murs, que le malheur des uns fait le bonheur des autres, ne l’oublions pas.
« L’hypocrisie est parfaite mais son masque plus parfait encore » nous chante la Compagnie Nomade. La chute du mur de Berlin fut un leurre. Que penser du mur de 2500 km entre les États Unis et le Mexique, construit entre 1990 et 1994, 21000 gardes de frontière, 6,5 milliards de dollars, 400 morts par an.Tandis qu’un accord de libre échange favorise la circulation des capitaux, il faut freiner celle des personnes.
Que penser du mur de Gaza, de celui entre les 2 Corées, de Belfast, de celui édifié sous terre dans le cimetière pour séparer les catholiques des protestants ?
Reste heureusement la musique qui est sans frontières, multi- culturelle, la Compagnie Nomade avec son groupe Aligator nous le prouve . Il est un fleuve qui s’enrichit, se nourrit d’affluents venus d’ailleurs. Le groupe chante aussi bien en espagnol, en français qu’en allemand. Avec leurs chansons, c’est aussi toute une mémoire qui se soulève, à travers l’histoire d’un jeune gitan qui n’avait pas le choix « Partir ou mourir » qui fut rattrapé par les nazis en France et invité à creuser sa propre tombe; celle aussi d’un mère juive, mère courage, que rapporte de façon bouleversante Abdelwaheb SEFSAF qui dispose d’une voix magnifique.
Cette mémoire là, elle vibre dans tous les corps des musiciens comédiens, Marion GUERRERO, Abdelwaheb SEFSAF, Georges BAUX, Nestor KEA, Toma ROCHE pour former un véritable bouclier musical contre tous ces murs qu’il faut regarder en face.
Parfaitement bien équilibré entre musique et prises de paroles, le spectacle conçu par Jérôme RICHER et Abdelwaheb SEFSAF réussit à interpeller nos consciences en parcourant cette fibre humaine, qui relie bien ou malgré eux tous ces êtres, étranges étrangers !
Faut-il donc être Allemand pour apprécier Beethoven, Algérien, pour être sensible à la voix d’Abdelwaheb SEFSAF, Suisse pour entendre le texte de Jérôme RICHER, trop moderne pour goûter les compositions de Nestor KEA qui pratique aussi bien le hip hop , le jazz, le rock, la salsa etc. permettez moi d’en douter et d’inviter sans réserves le public à découvrir ce spectacle intense, instructif et généreux, à visage humain.
Paris, le 26 Novembre 2016 Evelyne Trân