Distribution
Auteur : Jacques Forgeas
Mise en scène : Sophie Gubri
Avec : Baptiste Caillaud, Clovis Fouin, Katia Miran et Perrine Dauger
Musique originale : Nicolas Jorelle – Scénographie : Camille Dugas
Lumière : Marie-Hélène Pinon – Costumes : Laurence Forgue Lockhart
La rencontre de RACINE et de Jean de LA FONTAINE, ces deux phares de la littérature classique du 17ème siècle à laquelle nous convie Jacques FORGEAS sur la scène magique du Théâtre du RANELAGH est assez inattendue. Il est vrai que l’auteur a pris quelques libertés avec la chronologie, LA FONTAINE étant de 18 ans plus âgé que RACINE et la révocation de l’édit du Nantes en 1685 dont il fait mention ayant eu lieu bien plus tard que l’entrée de Racine au service du Roi comme historiographe en 1677.
Mais c’est la toile de fond qui importe, l’esprit avant la lettre. La pièce se situe donc en 1677, juste après la création de Phèdre, le mariage de RACINE avec Catherine de Romanet, après sa rupture avec sa maîtresse, la célèbre tragédienne,Mlle de CHAMPMESLE qui coïncide avec le renoncement de RACINE au théâtre .
Elle dût être violente cette rupture mais nous raconte Jacques FORGEAS par le biais d’une confession arrachée par LA FONTAINE à RACINE, elle était annoncée.
LA FONTAINE, dans la pièce, accompagné de deux jeunes femmes une comédienne Clarisse et son amie Sylvia, est un jeune homme animé par sa passion pour le théâtre, fan de toutes les créations de son cousin RACINE, qui l’exhorte à s’expliquer.
Nous assistons donc à un débat d’idées entre deux jeunes gens aux caractères antagonistes, LA FONTAINE quelque peu libertaire, RACINE très austère, voire mystique, qui fait cette confidence « Le théâtre m’éloignait de Dieu… je ne rompts pas avec le théâtre, je m’en délivre ».
Dans une scène émouvante, le personnage Racine explique qu’orphelin de père et mère dès le plus jeune âge, élevé par les jansénistes à Port Royal, il s’est créé son propre univers avec le théâtre. Il aimait ses héros, César, Alexandre comme des membres de sa propre famille qui ont d’une certaine façon rempli le vide affectif, et sublimé une réelle souffrance.
RACINE qui apparait aussi déchiré que ses héros ou héroïnes, est devenu un personnage pour lui même. Il se met en scène dans sa propre vie, opérant un sacrifice, son amour du théâtre, qu’il juge d’autant plus grandiose qu’il a pour but de le rapprocher de Dieu. Sauf que ne manque pas de lui rappeler LA FONTAINE, le Roi n’est pas Dieu.
La condition d’artiste est loin d’être rose nous rappelle ce faisant Jacques FORGEAS. Pour vivre l’éblouissement que procurent les applaudissements du public, combien de gorgées froides, d’humiliations, de billevesées à supporter ! RACINE semble ne s’être pas remis de la cabale que fomenta contre sa pièce PHEDRE, la Duchesse de BOUILLON.
C’est la comédienne Clarisse qui aura le dernier mot. Alors que RACINE toujours excessif parle du théâtre comme d’un tombeau, elle lui répond qu’elle entend persister « Dans la joie d’ouvrir ce tombeau, de réveiller le silence et de faire circuler la vie ».
Il y a un beau travail de lumière de Marie-Hélène PINON qui répond aux étincelles « dans les yeux, dans le cœur » d’Andromaque et de Phèdre évoquées par l’auteur. La mise en scène de Sophie GUBRI, la scénographie de Camille DUGAS, la musique de Nicolas JORELLE et les costumes de Laurence FORGUE LOCKHART s’harmonisent dans un charmant chatoiement de nuances, de crissements de sentiments entre soie et velours.
C’est un bel hommage au théâtre servi par une équipe de jeunes artistes talentueux, Baptiste CAILLAUD, Clovis FOUIN, Katia MIRAN et Perrine DAUGER, dont la véhémence, la fraîcheur font vibrer le cœur du public !
Paris, le 16 Septembre 2016 Évelyne Trân