Metteur en scène : Jean-Laurent Silvi
Avec Sylvain Mossot, Axel Blind, Barbara Castin, Anthony Henrot
Si nous pouvions rire de certaines vedettes politiques qui promettent la lune pour balayer notre vision terre à terre de la réalité, comme nous rions des mésaventures de Don Quichotte le chevalier errant et de son écuyer Sancho Pança, nous pourrions adhérer à cette observation lancée par Don Quichotte lui même à Sancho Pança : Quelque chose te brouille la vue.
« Qu’est ce donc, aujourd’hui, la chevalerie errante ? » demande naïvement l’intervieweuse à Don Quichotte aussi sûr de lui même qu’il le fut à sa naissance, il y a déjà cinq siècles. Ce valeureux personnage, est un grand illuminé qui prend ses désirs pour la réalité . C’est un fou mais un fou sympathique parce qu’il se dégage une certaine pureté dans l’exaltation de ses désirs. Entier, il est incapable de compromis, c’est une tête brûlée mais qui a du cœur.
La vanité voilà la grande affaire humaine, c’est elle qui gonfle les appétits de gloire et de pouvoir, et ce faisant permet d’occire, sinon oublier la dépression, la mélancolie, la tristesse qui nous poussent à ressasser « Le monde va mal, toujours mal ».
La vanité, personne n’y échappe, même le laboureur,Sancho Pança séduit par la carotte que lui tend Don Quichotte, de devenir gouverneur d’une belle île.
L’imagination chaleureuse de Don Quichotte qui lui permet de voir une prostituée comme une princesse retrousse le regard négatif et limité toujours en jeu dans les relations humaines. Comme nous aurions besoin d’un Don Quichotte à l’assaut dans nos métros bondés, capable de rabattre le caquet à celui qui se permet de lancer à la cantonade « S’il y avait moins d’étrangers, il y aurait plus de place ».
Évidemment, le roman de Cervantès est si profus, qu’il n’est pas possible de le raconter en une heure sur scène. Mais le metteur en scène Jean-Laurent SILVI, gagné par l’ardeur de Don Quichotte, grâce au pouvoir de la fée improvisation, donne des ailes aux interprètes qui jouent quelques fragments incontournables de l’ épopée : l’aventure des moulins à vent, la rencontre à la sierra Morena d’un chevalier étrange et dénudé Cardenio, le récit ahurissant de Sancho Pança, destiné à détourner Don Quichotte – sous l’emprise d’un coup de Friston l’enchanteur – d’une aventure atroce et terrifiante, les armées qui se révèlent n’être que des troupeaux de moutons …
Axel BLIND, Sancho Pança plus vrai que nature et Sylvain MOSSOT en Don Quichotte enragé, forment un duo tragi-comique irrésistible. Barbara CASTIN, l’intervieweuse et la princesse Micomicona est tout à fait piquante et Anthony HENROT, le maître de cérémonie et surtout Cardénio, excellent.
Si vous n’avez pas le courage de lire les mille pages de Don Quichotte, cet été, nous vous invitons à découvrir néanmoins, ce que le livre a essaimé chez cette joyeuse équipe, une farce épique énergisante qui met du baume au cœur !
Paris, le 13 Juillet 2016 Évelyne Trân