Distribution : D’après Claire Etcherelli,
- mise en scène et interprétation Eva Castro
Le roman de Claire ETCHERELLI « Elise ou la vraie vie » n’a pas d’âge ou bien il a toujours 20 ans celui de son héroïne, qui d’une voix étonnamment mûre fait le récit de son entrée dans le monde du travail, et de son éveil à l’amour à l’époque de la guerre d’Algérie entre 1957 et 1958.
Certes, sa figure est marquée comme une fiche d’identité qui annoncerait les strates de son avenir, de son destin tout tracé. Jeune provinciale pauvre ayant conscience de sa classe, elle croit deviner ce qui l’attend en observant ses collègues de travail plus âgées. Elle travaille à la chaîne à l’usine comme une bête ou un robot et tombe amoureuse d’un jeune ouvrier algérien AREZKI. A mi-chemin de son reportage étonnant parce qu’il fait coïncider sa voix intérieure avec toutes les voix extérieures, elle déclarera « Mutilée par ma vie rabougrie par ma passion fraternelle et mes horizons bornés, ma sensualité bien vivante…éclata à la chaleur de cette amitié secrète ».
Le thermomètre d’Elise ne fait l’impasse sur aucune de ses émotions qu’elle travaille de façon obstinée, consciente que son regard sur les autres évolue même si tout est en marche pour lui dire « De toute façon, ce qui doit arriver arrivera.. » . Confuse puis déterminée, elle découvre qu’elle peut devenir l’interprète de sa vie. Le témoignage d’Elise est bouleversant parce qu’il exprime une quête d’éblouissement, celui de la vie elle-même, spirituelle ou morale, un ressenti aussi fulgurant à l ‘étage des aspirations les plus naturelles qui peuvent découler aussi bien du regard d’un enfant qui regarde le ciel ou la rue à travers la vitre d’un bus qui continue à rouler.
Eva CASTRO incarne Elise avec une grâce d’enfant. La jeune fille timide, mal fagotée a du caractère, elle ne peut s’empêcher de penser, ensevelie sous la montagne de cartons qui représente l’usine et aussi cette vie d’emballage qu’elle secoue, fait frémir.On a envie de retenir sa main qui pousse les portillons de la vie en levant les doigts. Elle nous brave de son regard, comme dans le roman. Tout simplement, elle nous parle au présent, un présent passionné, riche de ces bagages qui sont aussi les nôtres. Elise fait partie de tous ces petits cailloux étincelants égrenés par un Petit Poucet dans la forêt invisible de la conscience collective. Elle bouge dans notre mémoire, elle résiste sans arrogance, en levant juste ses petits poignets. L‘inévitable espérance tiendra bon dit-elle, avec aplomb. Que ceux qui y croient ou n’y croient pas aillent voir ce spectacle pour entendre marcher Elise à travers notre pauvre conscience « Indistincte, informe, impalpable mais présente ». L’occasion est trop rare pour la manquer.
Elise incarnée par Eve CASTRO surgit véritablement du livre magnétique de Claire ETCHERELLI, à la fois timide et révoltée, authentique.
Paris, le 4 Avril 2015 ,
Mis à jour le 29 Février 2016 Evelyne Trân