Avec Viviane De MUYNCK
Avec la complicité de Daniel Cordova
Il y a encore des terres inexplorées, est-il possible de le croire avec l’afflux des informations, des connaissances qui transitent par les médias et notamment internet. The children of nowhere fait partie du projet Ghost roads, qui s’est imposé à Fabrice MURGIA au cours de ses voyages à travers une dizaine de villages fantômes en Amérique (Texas, Arizona, Nouveau Mexique et Californie) dit-il, en quête de silence. C’est dans le désert d’Acatama au Chili, que, lui est apparue CHACABUCO, une ville abandonnée, ancienne cité minière, devenue sous la dictature de PINOCHET, un camp de concentration pour des milliers de prisonniers politiques Chiliens médecins, avocats, artistes mais aussi ouvriers.
D’une certaine façon, nous pourrions nous croire dans un conte de Jorge Luis BORGES mais Fabrice MURGIA ne se laisse pas assaillir par la dimension fantastique ou mystique du paysage fantôme, il entend faire souche vers l’humain avec ses semelles d’homme de théâtre voyageur, qui souhaite recueillir des témoignages de la bouche même de ceux qui ont vécu à CHACABUCO.
Il s’agit de rescapés, de survivants qui avaient une vingtaine d’années à l’époque, dont il filme les visages expressifs, libérés, semble t-il, de toute espèce de rancœur, qui s’expriment avec simplicité et douceur, sans doute émus par la jeunesse de leur interlocuteur.
Il n’est pas évident de faire courir les voix du passé, enfouies, cet ailleurs comprimé, vers ce vide, ce trou de la mémoire qu’il représente pour leurs descendants.
Pour certains, la vie ne serait qu’un lieu de passage mais quel passage ? Pour aller où, quelle piste emprunter ? . Qu’avons nous à voir avec ces malheureux anciens prisonniers Chiliens ? La mémoire c’est un sens premier, celle de la souffrance, n’a pas de race, pas de classe, elle est hélas universelle.
C’est à brûle-pourpoint que Fabrice MURGIA songe tout haut dans son carnet de voyage à travers la voix particulière de Viviane De MUYNCK, intense comédienne, qui filtre les mots qui se soulèvent tels des pensées de sable dans le désert, des mots qui marchent qui transpirent, qui ont des yeux pour regarder, qu’il faut entendre respirer.
Fabrice MURGIA développe des images oniriques à travers des rideaux de captations vidéos, des effets d’apparitions, disparitions qui enveloppent concrètement les musiciens et la comédienne.
A vrai dire, les liaisons, les raccords ne sont pas toujours fusionnels. L’on peut s’émouvoir de voir minuscule, physiquement, la comédienne en fond de scène alors même que certains visages grossis prennent toute la place de l’écran. Contraste sans doute délibéré mais déconcertant.
Cela dit, il ya des séquences visuelles de toute beauté, notamment celles où l’on ne perçoit que les silhouettes des musiciens, le quatuor de violoncelles ATON & ARMIDE COLLECTIVE, aussi envoûtant que la superbe voix de la chanteuse Lore BINON. La composition musicale de Dominique PAUWELS donne toute sa profondeur au spectacle qui entend rendre hommage à ces porteurs d’histoires charnières, à leurs descendants, aux « Children of Newhere », qu’il a réussi à rencontrer, qui témoignent pour le Chili d’aujourd’hui – la nouvelle génération en plein questionnement sur le plan, économique et identitaire – alors même que leur lieu de mémoire est devenu un village fantôme. Ils crèvent l’écran, l’écran de notre mémoire quelle qu’elle soit !
Paris, le 25 Janvier 2016 Évelyne Trân
bonjour evelyne
je suis contente de lire ta critique
je revis la pièce que nous avons vu ensemble à AIX il y a déjà bientôt huit jours
en espérant une autre rencontre improvisée
bien à toi
dominique Muraour
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