Avec Roberto Farías Dramaturge – Pablo Larraín, Roberto Farías / Créateur lumière – Sergio Armstrong
C’est toute la misère du monde qu’il semble porter sur ses épaules mais il n’y a dans son baluchon que de dérisoires objets de pacotille. Il surgit d’une cour de miracles quelque part à SANTIAGO, d’un dépotoir au pied d’une cathédrale ; il est tout simplement extraordinaire, il s’appelle SANDOKAN.
Au cours d’un monologue de 55 minutes mais à vrai dire on ne voit pas le temps passer, les spectateurs coincés dans leurs fauteuils au Théâtre des Célestins, comme dans les transports en commun doivent « subir » la présence d’un clodo qui transpire, qui postillonne et qui leur hurle dans les oreilles l’histoire de sa vie tout en brandissant des objets ridicules dont il vante dans la foulée les mérites.
Les propos sont quelque peu incohérents parce qu’il les vomit avec violence, une vitalité indécente à la gueule des faces contrites apeurées ou frileuses que les spectateurs, auditeurs de l’impensable, sont bien forcés d’adopter.
L’homme n’appelle surtout pas la compassion. Il déverse des vérités sordides qui concernent des gens fort bien élevés, des banquiers, des curés, qui ont abusé sexuellement de pauvres gosses abandonnés.
L’homme hurle pour ne pas sangloter. Il y a un tel magma de douleur dans cet homme qui lèche l’enceinte du théâtre des Célestins et en même temps une telle énergie, une telle capacité de se moquer du monde absolument décapante !
Le monologue a été écrit à partir d’un recueil de témoignages de garçons victimes d’abus sexuels et surtout de « longues séances d’écriture et d’improvisations ». Le manuscrit de 300 pages à l’origine est passé à vingt pages.
Le résultat est magnifique. Roberto FARIAS effectue une performance incroyable. Il ne joue pas, il se transmute en SANDOKAN, ce clochard terriblement humain qui à la faveur d’une escapade au théâtre nous débouche les oreilles et nous regarde droit dans les yeux.
Paris, le 29 Octobre 2015 Evelyne Trân