Avec Afazali Dewaele, Sébastien Foucault, Estelle Marion, Nancy Nkusi, Diogène Ntarindwa, Bwanga Pilipili Idée, texte et mise en scène – Milo Rau / Dramaturgie & production – Jens Dietrich / Scénographie & Costumes – Anton Lukas / Vidéo – Marcel Bächtiger / Son – Jens Baudisch / Assistante à la mise en scène – Mascha Euchner-Martinez – See more at: http://www.celestins-lyon.org/index.php/Menu-thematique/Saison-2015-2016/Spectacles/Hate-Radio#sthash.KpwdMcLY.dpuf
En 1994 entre Avril et Juillet, eut lieu le génocide des Tutsis au RWANDA, pendant la guerre civile qui opposait le gouvernement Rwandais au Front Patriotique Rwandais.
800 000 personnes ont perdu la vie dans des conditions atroces en raison de leur origine Tutsi. Ce drame humain avait été pressenti par différents historiens et politiques qui connaissaient l’idéologie raciste à l’encontre des Tutsis, qui s’est particulièrement développée du temps de la colonisation.
Comment imaginer que des Rwandais puissent d’un jour à l’autre se transformer en tueurs, en bourreaux de leurs propres voisins parce que ces derniers avaient le malheur d’être Tutsis.
Milo RAU et les membres de l’International Institute of Political Murder ont eu l’idée de reconstituer une émission de la Radio Télévision Libre des Mille Collines qui émettait avant et après le génocide. Seule radio privée du Rwanda, la RTLM était devenue un organe prépondérant de propagande anti-Tutsis. Sa responsabilité dans le génocide a été reconnue et ses animateurs jugés.
Véritable choc frontal avec une réalité mortifère pour les spectateurs munis de casques audio qui se retrouvent dans la situation d’observateurs assistant pour la 1ère fois à une émission de la RTLM en vis à vis avec les animateurs enfermés dans leur bocal.
Le verbiage des speakers, leur aisance, leur jovialité sont le propre d’une émission de radio en plein audimat. Mas au fur et mesure de l’émission, les propos des speakers deviennent de plus en plus odieux, comme s’il s’agissait pour eux, tels des émissaires du gouvernement, d’entretenir la flamme de haine vis à vis des Tutsis. C’est d’autant plus choquant que les exhortations aux meurtres, à la délation , à la chasse aux Tutsis, sont souvent débitées sur le ton de la plaisanterie, tandis que se succèdent les grooves à la mode et que l’on voit danser, boire, s’amuser l’animateur vedette.
Difficile de comprendre cette hystérie de haine, tout se passe comme si la vanne de l’idéologie raciste ayant été ouverte, rien ne pouvait l’arrêter. Seuls au monde dans leur studio, voila des animateurs gonflés à bloc qui exercent leur pouvoir médiatique, assurés de leur audience. Le spectacle pose cette question cruciale de la responsabilité de journalistes détenteurs d’une tribune, qui outrepassent leurs fonctions pour devenir des collaborateurs de la politique en place.
Les appels à la haine, constamment répétés font figure d’allumettes destinées à embraser une partie de la population totalement conditionnée. Ces journalistes avaient ils vraiment conscience d’être des pyromanes ?
Excellemment interprété, avec une mise en scène réaliste, naturaliste, voilà un spectacle politique percutant qui a l’outrecuidance de nous concerner tous alors même que peut être nous ne souvenions pas du génocide rwandais, il y a juste 21 ans. Hélas, la France a été témoin aussi de génocides.
La haine fait partie de ces ressorts humains dévastateurs qui menacent l’humanité. Sont bien placés pour en parler les rescapés du génocide Tutsi qui témoignent dignement au cours du spectacle de cette catastrophe humaine.
Paris, le 26 Octobre 2015 Evelyne Trân