Avec : Marjorie Ciccone, Louise Corcelette, Ghita Serraj, Lani Sogoyou
Signes de reconnaissance, tailleur cintré autour de la taille, talons hauts, joli maquillage, quoi de plus ordinaire, voire banal que la représentation de ces quatre employées de bureau « modèles » relayée joyeusement par les magazines féminins. Le tatouage n’est pas fortuit puisqu’il est destiné à donner une bonne image de l’entreprise.
Il serait grossier d’assimiler ce groupe d’employées à du bétail, il s’agit d’êtres humains après tout. L’auteure d’HARD COPY, Isabelle SORENTE a t-elle donc travaillé comme employée de bureau ? Et si oui, le moins que l’on puisse dire c’est que sa tête s’est échauffée au point qu’on l’imagine boursouflée, coincée entre deux barreaux d’une cage , débiter ses sornettes.
Mais non, nous nous trompons, ce n’est pas elle ! Qui ça elle, de qui parlez vous ? De la pauvre fille qui pourrit notre quotidien. Vous vous rendez compte, nous travaillons huit heures par jour, confinées dans un superbe open space, nous essayons de bien nous entendre, mais il faut se coltiner une collègue incompétente, qui par dessus le marché transpire, pue , c’est horrible ! Quelle tache, quelle tache pour notre valeureuse entreprise !
Vous bêlez, chères employées, pourrait dire en voix off, la voix chaude du patron, continuez du moment que cela ne nuit pas à la bonne marche de nos affaires.
Qu’il est beau, sympathique, l’échantillon d’employées de bureau qui égayent leur travail fastidieux en conversant à propos de leurs petits problèmes toujours décortiqués par les magazines. L’une est nymphomane, l’autre frigide, une troisième boulimique et la quatrième ne jure que par son manque de personnalité , son manque d’humour et et ses odeurs de transpiration.
Il y a de l’électricité dans l’air, on se croirait dans un poulailler, les plumes volent avec des réflexions acides, à l’encontre de la brebis galeuse. Les pauvres filles n’ont pas vraiment beaucoup de place. Alors, elles en viendront à supprimer au propre comme au figuré celle qui pue. Le patron fermera les yeux puisque le bien être de toute l’équipe était en jeu.
Vous l’avez compris, la pièce d’Isabelle SORENTE traite du harcèlement moral en entreprise de façon particulièrement virulente et troublante. Démonstration cruelle de ces paroles insidieuses coiffées d’hypocrisie, destinées à empoisonner l’ennemi, celui qui empiète sur votre espace vital. De toute façon chez l’autre il y a toujours quelque chose qui dérange, alors ? Alors, les politiques, les grands coqs n’ont guère de soucis à se faire pour remplumer leurs partis, ils n’ont qu’à continuer leur chasse aux moutons noirs…
Le parfum d’ambiance qui bouche le nez des employées modèles d’Isabelle SORENTE, n ‘est autre que celui qui trône dans les WC.
Les comédiennes jouent avec un tel naturel que nous n’avons pas l’impression d’avoir affaire à des caricatures d’employées. Le comique ressort du contraste entre leur mal de vivre et leur image sociale. Le décor qui peut faire songer aussi bien à une maison de poupées d’employées qu’à un open space, est éloquent, la mise en scène énergique et précise.Nous saluons le talent de ses quatre comédiennes engagées qui donnent toute son envergure à cette farce sociale, hélas très réaliste. Un spectacle à ne pas manquer !
Paris, le 20 Juin 2015 Evelyne Trân