copyright Joséphine Lointaine
Mise en scène : Raphaël Trano de Angelis (CNSAD)
Composition musicale : Hacène Larbi
Traduction et adaptation : Dominique Palmé
Regard chorégraphique : Kaori Ito
Travail du choeur : Philippe Lardaud
Scénographie et costumes : Yaël Haber et Karolina Howorko (ENSAD)
Création lumière : Dominique Nocereau
Avec : Noémie Ettlin (danseuse professionnelle), Nicolas Gonzales (comédien professionnel), Clarisse Sellier (élève comédienne Conservatoire du 19ème)
Choeur : Claire Bosse Platrière, Suzie Cahn, Charlotte Fox (élève comédienne Conservatoire du 5ème arrondissement), Camille Chopin, Miya Kabbaj (élèves chanteuses Conservatoire du 5ème), Nastasia Berrezaie, Cécile Messineo
Flûte : Mihi Kim
Clarinette basse : Maurenn Nédellec
Violoncelle : Alexis Girard
Piano : Frédéric Lagarde
Harpe : Sabine Chefson
Percussions : Christophe Bredeloup
Percussions : Benjamin Soistier
Percussions : Thierry Le Cacheux
Mezzo : Marie Kobayashi
Baryton : Yann Toussaint
Projection audio-numérique et Sound Designer : Gilbert Nouno
Assistant à la mise en scène : Adrien Guitton
Equipe technique : Vincent Détraz, Dominique Nocereau, Félix Depautex
Ce projet est le fruit d’une collaboration avec le Labex Arts-H2H, l’ENSAD et les Conservatoires Municipaux des 5e et 19e arrondissements de Paris.
Est-elle donc si irraisonnée notre perception de l’immobilité ? Les mots jonchent le sol de la forêt et le mot immobilité s’y déploie. Mishima se trouve derrière le paravent ou bien il fait partie des ombres qui le traversent car il a toujours été en quête de cette lumière. Une lumière qui absorbe, qui revomit ceux qui se sont laissés capter. C’est aussi tout le miracle d’un spectacle qui s’adresse à tous, connaisseurs ou pas du Nô et de l’œuvre de Mishima.
La mise en scène de Raphaël Trano de Angelis de Lady Aoï a toutes les caractéristiques du filet, sorte de poche pleine de vide qui remue le vide et force le regard à jouer à travers les mailles.
La dernière vision de Lady Aoï, c’est celle d’une pièce qui se situerait dans le château de la Belle au bois dormant. Sur fond de scène, un orchestre immobile, à gauche, un chœur de femmes immobile, et puis juste le souvenir d ‘un homme qui est parti en courant… Il y aussi le sol en sable qui lui répond comme une longue traîne de fantôme qui se souvient du joli masque de Nô, fracassé par une amante jalouse.
Si la vue d’un insecte écrasé sur une page de livre vous émeut c’est qu’elle est indissociable de la connaissance que vous avez de cet insecte qui se rappelle à vous, mort. Mais dans très peu de temps, il va se remettre à vivre, il suffit que vous y croyiez ou que vous vous détachiez de cette image de mort qui n’est qu’une parmi les autres …
Terrible ballet d’un insecte, une mante religieuse, une femme jalouse, qui porte en elle l’amour et la mort . La mort serait-ce ce rien ou cette surprise du vide derrière le masque. « Vous vous trompez dit l’homme à la femme – qui n’a que cette faiblesse ou cette folie, celle de croire à l’amour – je ne vous aime pas » . Un désaveu qui met fin à la danse des amants éphémères.
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C’est sur la lisière d’un sable aussi innocent qu’infantile que la danseuse lève ses talons comme pour rappeler sa naissance, elle est née amoureuse, elle est portée par ce sable mouvant, prisonnière d’un fil auquel est rattaché fugace, improbable, un jeune bateau en papier.
Les convulsions sonores d’une chanteuse, l’orchestre, le chœur des femmes ne jouent pas les rôles de décors extérieurs, ils sont absorbés, tétanisés par la folie de Rokujô, qui a manigancé le mal de Aoi, l’épouse de l’amant, figurée par un simple masque sur un lit d’hôpital.
La danseuse de Nô, Noémie ETTLIN est fascinante. Elle a la silhouette d’un roseau qui aurait l’énergie tempétueuse d’une algue de mer, ou d’une libellule croisée avec une mouche. Elle dispose d’une fragilité indocile qui fait penser à la nervure d’une feuille calligraphiée sous le joug d’un pinceau.
Le metteur en scène Raphaël Trano de Angelis qui réunit autour de lui une équipe impressionnante, musiciens, chœur, chorégraphe, frappe par sa maîtrise, sa maturité. Sa vision belle et dépouillée nous introduit dans l’univers de Mishima de façon très claire, l’œil devant le masque, en signe de dépôt de nos précieuses illusions.
Paris, le 19 Juin 2015 Evelyne Trân