L’ECHANGE DE PAUL CLAUDEL au Théâtre de l’Opprimé 78, Rue du Charolais 75012 PARIS – Mis en scène par Jean-Christophe Blondel. du 5 au 15 Mars 2015

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Compositeur Benjamin Duboc Scénographie et costumes Tormod Lindgren Avec Valérie Blanchon, Pierre-Alain Chapuis, Pauline Huruguen, Yannik Landrein

Paul Claudel pensait-il tenir son billet aller et retour vers la terre en écrivant cette 2ème version de ‘L’ECHANGE » en 1950 soit près de 60 ans après la première, composée en 1893 alors qu’il était jeune consul à New York ?

 Les couleurs de la vie que représentent les quatre personnages de l’échange, l’auteur ne peut plus les réunir avec la même fougue, le sentiment d’urgence et  cette émotion de jeune exilé sur terre qu’exprime Louis LAINE , qui semble donner raison à cette phrase de Rimbaud « La vraie vie est absente » citée par Claudel dans sa lettre à Jean-Louis Barrault lors de la mise en scène de la pièce en 1951.

 Quelque part en Amérique, sur une petite île du Nouveau monde, Claudel  met en scène les déplacements « inconscients » de quatre individus qui les conduisent à échanger leurs partenaires. Louis Laine, le jeune sauvage à  moitié indien, aime son épouse Marthe mais  est irrésistiblement attiré par Lechy EBERNON, une actrice  exubérante. Thomas POLLOCK NAGEOIRE, l’homme riche, le compagnon de l’artiste, désire Marthe  qui représente à ses yeux la vraie femme, celle qui détient l’essence terrienne. Claudel dit de Marthe « Elle n’est que foi, amour et vérité. Mais elle aussi en ce monde est une exilée ».

  La pièce se déploie comme une partition d’états d’âmes, violents chez Louis LAINE qui n’aspire qu’à la liberté, convulsifs chez Lechy EBERNON qui pourrait représenter l’artiste déchu que serait devenu Louis LAINE,  tel Baudelaire ou Verlaine, tourmentés chez Marthe qui a l’intuition de la mort de son amour Louis LAINE, nouveaux chez Thomas POLLOCK NAGEOIRE qui déclare qu’il est pauvre en dépit de ses richesses.

 Y va-t-il une survie de l’âme ? La question perle dans les propos des personnages dont la conscience peine sous le poids d’émotions, de désirs contrariés ou contradictoires.

 Dans une pièce où la parole tient lieu d’action, les interprètes sont extrêmement exposés, ils n’ont pas d’autre alibi que leurs personnages.

 Le metteur en scène Jean-Christophe BLONDEL présente une mise en scène très dépouillée au Théâtre de l’Opprimé. Après des premières représentations en plein air à VILLENEUVE LEZ AVIGNON, très applaudies par le public, le transfert dans un lieu clos doit permettre aux artistes de se remettre en question, en conservant  ce dialogue invisible avec la nature auquel le poète Claudel tenait tant.

 Evidemment, si le vrai ciel et les étoiles brillent par leur absence sur scène, reconnaissons que la nature  s’exprime à travers la présence physique des interprètes. Pauline HURUGUEN et Yannik LANDREIN peuvent séduire par leur  jeu naturel, très moderne. Ils ont des allures d’adolescents de notre époque, comme quoi la jeunesse est éternelle. Leur fragilité résonne peut être plus sourdement  aujourd’hui comme si les cris de la jeunesse doutaient de leurs échos.  Valérie BLANCHON campe avec fougue l’artiste folle déchirée. Pierre-Alain CHAPUIS joue avec beaucoup d’humanité ce Thomas POLLOCK, matérialiste, en quête d’âme.

 Les propos de Claudel sur des questions universelles – l’engagement dans un couple, la crainte de perdre sa liberté artistique ou morale dans l’enclos familial ou sociétal, les conflits entre les désirs matériels de tranquillité et de confort, et les aspirations spirituelles – résonnent avec beaucoup d’acuité, elles nous interpellent, elles sont l’eau qui dort toujours derrière le masque de la maturité ou de la résignation. Paul Claudel, à travers cette pièce, voyait descendre ou remonter ses aspirations vitales. Ne disait-il pas « Les quatre personnages ne sont que les quatre aspects d’une seule âme qui joue avec elle-même aux quatre coins  »  Comment ne pas s’y retrouver !

 Paris, le 6 Mars 2015            Evelyne Trân

 

 

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