PS : Jacques TRUPIN et Vincent VIALA étaient les invités de l’émission « DEUX SOUS DE SCENE »sur Radio Libertaire, le Samedi 14 Février 2015 (en podcast sur le site Grille des émissions de Radio libertaire 89.4).
C’est une caisse qui bascule qui tangue sur la cuisse du musicien, on ne voit qu’elle, c’est le corps ivre du bandonéon qui se répand par vagues successives, tel un animal sonore marque son territoire dans la petite salle voûtée du Théâtre de l’ESSAION.
Que peut donc charrier cet instrument apprivoisé depuis si longtemps par les joueurs de tango ? Entre les mains de Jacques TRUPIN, nous comprenons que l’instrument n’est pas prisonnier de ses premiers accords, qu’il est un objet d’inspiration toujours renouvelée.
Jacques TRUPIN et le bandonéon ne font plus qu’un. Impossible de dissocier la main du musicien de son clavier ni d’oublier les mouvements d’éventail végétal du soufflet qui s’ouvre et se rétrécit à volonté.
Si le bandonéon fait penser à un animal, c’est évidemment à un animal sauvage, un félin, une panthère noire, qui sait ? C’est une relation amoureuse qui lie l’homme à cet instrument. Jacques TRUPIN explore sa gorge profonde tel un spectateur impressionné par une cascade géante la descendrait par l’œil jusqu’à ses dernières vomissures.
Chaude et puissante, la musique que crée Jacques TRUPIN est particulièrement pénétrante et sensuelle. Il est accompagné par le pianiste Vincent VIALA. Tous deux récréent une sorte de clairière magique à l’intérieur d’une immense forêt chargée de mystère.
Car elle reste mystérieuse cette musique, elle soupire, ce qu’elle dit semble venir de très loin. Elle forme le rappel d’échos successifs, d’une écume qui refuserait de rentrer au berceau. Il est possible d’imaginer le chant d’Orphée qui entend sonder le cœur d’Eurydice et y revient sans cesse.
Le contraste entre l’imposant piano et le bandonéon est émouvant. Si le piano a quelque chose de luxueux, de sédentaire, le bandonéon lui fait écho au voyageur, au saltimbanque qui s’assoit sur le trottoir car il sait qu’il suffit d’un refrain de cet instrument pour attrouper autour de lui comme des moineaux quelques âmes musiciennes.
Tous les amoureux du tango seront sensibles au duo que forment Jacques TRUPIN et Vincent VIALA dans ce concert captivant.
C’est en esprit que l’homme et son instrument se donnent, ravivant ses flammes musicales inouïes au chapitre de la nature, au chapitre du cœur qui bat lui aussi et cela s’entend.
Un moment musical particulièrement intense que ce concert intitulé « Parfum d’écume » en référence à la vague d’HOKUSAI mais tout aussi bien à l’écume de nos jours et de nos nuits qui se font la belle de la façon la plus magnifique, la plus ensorcelante, sur des airs de tango.
Paris, le 14 Février 2015 Evelyne Trân