Avec Jean-Pierre KALFON et Pierre SANTINI
Il n’est pas évident d’éclairer un nœud de vipères familial. Le grand écrivain François MAURIAC avait fait de l’analyse des familles bourgeoises, sa spécialité. Cet écrivain nous revient en mémoire parce que les interprètes de la pièce FRATRICIDE de Dominique WARLUZEL, Pierre SANTINI et Jean-Pierre KALFON composent si bien leurs personnages que nous n’entendons pas seulement leur conversation, ces paroles qui surgissent peu amènes, nous restons attentifs à leurs voix, leurs attitudes autrement parlantes.
L’occasion de rencontre de deux frères antinomistes, l’un avocat qui respire la réussite sociale et l’autre ancien proxénète et assassin, est toute conventionnelle puisqu’elle se passe dans un bureau de Notaire, avant et après l’ouverture du testament du père.
On comprend naturellement que ces deux frères ne sont pas faits pour s’entendre mais au fur et à mesure de leurs échanges, l’évocation des souvenirs d’enfance, l’affectif prend le dessus, et c’est assez passionnant d’observer les retournements de leurs pensées, de les voir remuer leur mémoire flétrie comme des vieux arbres qui penchent leurs branches pour atteindre un monceau de feuilles mortes, leur humus, dont les senteurs exhalent encore une lueur d’amour.
Les deux personnages font partie de ces gens qui ne livrent jamais leurs émotions intimes ou alors en avançant masqués par une agressivité de bonne guerre ou des propos convenus. Chacun a la tentation de rester isolé, muré dans son identité sociale, car la déchirer c’est réveiller de sourdes douleurs. Le fait est que les deux frères conscients de n’avoir plus guère de temps à vivre, vont éprouver leur dernière chance de renouer des liens rompus par des années de silence.
Ils se sont détestés, peuvent ils s’aimer encore ? Pierre SANTINI et Jean-Pierre KALFON forment un superbe couple sur scène, c’est un plaisir de retrouver toute l’épaisseur humaine de Pierre SANTINI et l’aspect lumineux et farouche de Jean-Pierre KALFON. Un beau tableau vivant que celui de ces deux frères, fort bien éclairé par la mise en scène de Delphine DE MALHERBE et signé par un portraitiste de talent Dominique WARLUZEL.
Paris, le 12 Novembre 2014 Evelyne Trân