Mise en scène / collaboration à l’écriture Anne Marcel
Scénographie Vanessa Jousseaume
Lumières David Mastretta
Production Cie La Volige – Nicolas Bonneau (79)
Quel regard porter sur le monde ouvrier lorsqu’on n’en fait plus partie ? Le narrateur a le cul entre deux chaises parce que la fibre ouvrière, sans aucun doute, il l’a en tant que fils d’ouvrier et ce n’est pas un mince héritage. Mais il a pris le large depuis longtemps. De sorte que lorsqu’il décide de monter un spectacle pour exorciser une sorte de honte ou de fardeau supportés par le père – qui n’a rien dit pendant des années avant de tout arrêter – les ouvriers de l’usine se moquent de lui : T’es pas ouvrier , toi !
Nicolas BONNEAU en a collecté des paroles d’ouvriers, d’ouvrières.On a l’impression qu’il filme la vie de ses interlocuteurs, Gilbert SIMONEAU, soudeur à la retraite, Catherine sa femme, dans la confection, un tuilier, un délégué syndical. Mais il lui arrive d’oublier la caméra et de rentrer dans le film.
L’approche du délégué syndical est si vraie qu’elle fait siffler les oreilles. En se moquant gentiment, Nicolas BONNEAU endosse lui-même la peau d’un délégué puisqu’il rapporte les confidences, les témoignages et même les silences de ces prolétaires désormais appelés techniciens.
Seul en scène, Nicolas BONNEAU se démène parfois comiquement comme s’il était poursuivi par un essaim d’abeilles. C’est qu’elle est cruelle la boite de pandore de l’usine, et ça beau être banal tout ça, la vie, la mort, les faits divers, ça fait quand même beaucoup de vies d’hommes et de femmes qui bouillonnent suffisamment pour prendre leurs destins en mains.
Fiévreux mais pêchu, Nicolas BONNEAU entend gronder le ras bol derrière la résignation. Il dresse un état des lieux et des âmes dans leur réalité sociale, en prenant conscience que les témoignages qu’il recueille sont d’autant plus nécessaires qu’ils ne sont pas évidents. Quand le quotidien au travail devient l‘épine dorsale de toute une vie.
De mémoire de travailleurs, de mémoire d’hommes, Nicolas BONNEAU nous parle de courage, de liberté, aussi tenace qu’un crayon debout en train d’écrire leur histoire, aussi bon vivant aussi. « N’oublions pas la Rigolade », lui soufflent les ouvriers.
Paris, le 25 Avril 2014 Evelyne Trân