Chrystèle KHODR est une conteuse à pieds nus fabuleuse.
Elle est capable d’abolir cette frontière entre les vivants et les revenants si souvent évoquée par les poètes.
Sa voix chaude et profonde, sa démarche très féminine, féline et sensuelle mais empreinte de gravité lui permettent de traverser les murs, les souvenirs des morts, des décombres, dans cette ville de BEYROUTH martyrisée pour aller y recueillir des voix vivantes qui parlent de choses apparemment anodines mais qui soulignent l’importance des détails, de chaque chose dans un contexte de guerre . Ces voix si nécessaires qui résistent à la terreur pour convoquer le quotidien, pour s’accrocher à la vie.
Le texte qu’elle a écrit est très beau, et mériterait d’être édité, car encore sous le charme de sa voix, nous souhaiterions prolonger ce moment précieux et cette superbe rencontre.
L’autre rencontre, nous la devons à Chirine EL ANSARY qui fait parler les habitants d’une seule et même rue dans son quartier de Wast El Balad au Caire après la révolution.
On se croirait dans un conte de mille et une nuits sous une affluence de témoignages, poignants, étranges, parfois chaotiques. Il n’est pas toujours facile pour le spectateur de suivre le fil de cette toile d’araignée impressionnante. Mais le texte est très riche et nous aimerions pouvoir y replonger, guidés par la voix douce et claire de Chirine EL ANSARY.
Il faut remercier le festival SENS INTERDITS de favoriser de tels spectacles. Pour certains artistes, nous imaginons combien sont inespérés ces espaces où ils peuvent s’exprimer librement. Parce que la parole est insoumise par nature, il lui faut aller de l’avant, donc bouger. « Les contes sont le début de la parole » dit un conteur kanak, c’est ce que nous avons pu vérifier avec Chrystèle KHODR et Chirine EL ANSARY, passionnément.
Paris, le 31 Octobre 2013 Evelyne Trân