Elle est sur le fil, la voix ballotée dans le rayon d’une toile d’araignée filante suspendue aux parapets de l’infortune et des succès.
Mais pour voir poindre son petit cœur d’hirondelle, il fallait sûrement lever les yeux tant sa voix très subtile laisse transparaitre l’émotion d’un être qui jugulait l’espace d’une chanson, tous ses doutes et ses aspirations dans un souffle, dans un rêve ; sa vision intérieure toujours dominée par les charbons ardents de la musque alors même que son corps lui refusait la plénitude.
L’auteure interprète de Sunny side sait restituer cette voix intérieure, jeune, pour une confession naturelle, capable de sonder ses jardins voilés par la violence de son environnement, et des épreuves assourdissantes : la prison à 15 ans pour prostitution, la misère, l’esclavage, la drogue.
Pas évident d’exister et de faire entendre sa propre clarté lorsqu’on a pour horizon le nuage sombre du racisme, particulièrement oppressant, qui régnait aux Etats Unis au début des années 1900.
La voix de Billie Holiday était digne de passer à travers ce nuage. Baudelaire ne disait-il pas « Tu m’as donné la boue et j’en ai fait de l’or ». Billie Holiday avait cet or à fleur de peau qui renvoyait de la lumière chaque fois qu’elle chantait.
C’est une voix capable de poursuivre, dans les moindres recoins, l’âme des musiciens de jazz et de blues, de celles qui savent passer entre les notes, qui ne trichent pas et qui ont même dans leurs altérations cette sorte de supplément enchanté, une voix toute en nuances.
Sur la scène devenue presque un jardin de récréation, l’interprète de Billie Holiday dénoue son corps de façon très imaginative, exprimant à la fois sa lutte, ses vulnérabilités, ses audaces.
Naïsiwon El Aniou signe une sensible évocation de Billie HOLIDAY, intimiste qui fait chatoyer la personnalité de Billie HOLIDAY qui dit-on avait l’âme d’un enfant, capable de s’éblouir et de s’émerveiller. Elle raconte sa vie comme il pleut sur la ville ou qu’il fait soleil. Les extraits de ses chansons qui soudain nous font fermer les yeux, sont bien choisis tout juste sur la crête des rêves de Billie HOLIDAY.
Paris, le 1er Novembre 2013 Evelyne Trân