C’est un clown timbré, un enfant qui n’a pas grandi et pourtant il nous ressemble. Au milieu de ses peaux de banane, on pourrait aussi le prendre pour un clochard éméché.
Quelles interprétations ne sont pas possibles ? Il nous dit qu’il est un clown, il a le visage brouillé comme s’il avait été griffonné à la hâte. Son gros nez lui bouffe la face, il est plus que grotesque, il est grinçant, moche, monstrueux.
Pendant son numéro qui dure à peine un quart d’heure, ce personnage se démène entre ses tours de magie expéditifs et idiots, et ses démangeaisons existentielles. Ses tentatives de dialogue avec les objets peuvent faire remonter à l’enfance. Tout dépend du regard du spectateur également : faire jouer ensemble une petite et une moyenne théières peut avoir l’air tellement sot, ridicule et pourtant quel jeu de môme, formidable. Et cet objet que l’enfant clown pousse jusqu’au rebord de la table et fait tomber… Bien sûr, il s’agit d’un événement tout bête mais pour l’être responsable de la chute de la chose, c’est tragique.
A travers cette lumière sombre dévorant le personnage du clown qui réussit à paraître lamentable de bout en bout, rejaillit et c’est tout de même très fort, la petite clochette de l’enfant roi, créateur de son propre monde. C’est bouleversant, magique, bien plus magique qu’un tour de magie spectaculaire.
Bien que les créateurs de « Morceaux de clown » aient pris soin d’indiquer aux spectateurs que leur création était encore au stade de l’expérimentation, le personnage du clown interprété par Yann FRISCH a bel et bien une présence, une personnalité. Oui, il mérite d’exister et de persister sinon dans sa folie, dans sa fantaisie dramatique !
Dans la furie brouillonne de son imaginaire, le sentiment brille lunaire comme le regard du clown qui de loin glisse et vacille, invisible, trop visible ?
Paris, le 18 Juillet 2013 Evelyne Trân