Mise en scène :
Paul-Antoine Veillon et Mélanie Charvy
Avec : Jean-Dominique Peltier Frédérique Van Dessel, Romain Picquart.
Un homme et une femme, divorcés depuis une vingtaine d’années, se retrouvent dans la salle d’attente d’un hôpital, suite à l’accident de leur fils, tombé dans le coma.
Nous assistons à l’affrontement entre deux personnes qui se sont aimées puis détestées, mais l’issue de cette rencontre, inattendue, est révélatrice de la confusion des sentiments de ces deux êtres qui masquent leur solitude, en s’attisant l’un et l’autre dans l’ouvroir de leur détestation réciproque. Mais puisque leur couple parle de destruction, qu’officiellement il n’y a plus rien entre eux, alors, pourquoi pas, tout recommencer à zéro.
Il s’agit d’un véritable duel verbal où chacun décide de frapper là où le bât blesse car évidemment les deux êtres se connaissent bien. Dans ce combat quelque peu sado masochiste, il n’y a pas de vainqueur. Les parents se révèlent aussi odieux l’un que l’autre comme s’ils avaient déteint l’un sur l’autre et que leur dénominateur commun à défaut de l’amour, était la hargne et la méchanceté qui recouvrent une véritable souffrance : le deuil d’un amour disparu mais qui flotte encore dans les décombres et dont on ne sait s’il peut renaitre de ses cendres.
C’est l’enfant qui se fera l’écho impuissant du désastre, du tsunami affectif dans lequel se débattent ses parents, en tant que témoin assisté d’un procès qui le dégoûte sincèrement « Se peut-il qu’il soit issu d’une telle union dangereuse ». Sa fibre d’amour filial pourrait en prendre un coup. De fait, il chancelle, craint de ne pas se relever sous le poids de ce lourd héritage. « Il me faudra du génie pour aimer » dit-il et cet humour-là, recèle de l’espoir.
Au travers sa pièce, Christian Morel de Sarcus fait l’autopsie du cadavre d’un amour et rêve même à sa résurrection par analogie avec le retour de l’enfant prodigue en amour.
Tel un thriller psychologique, le duel entre la femme et ‘Lhomme captive, agace, émeut. Jean Dominique PELTIER sous l’épaisseur d’un personnage cynique et provocateur arrive à faire entendre la désespérance d’un homme saccagé intérieurement.
De même Frédérique VAN DESSEL, arbore une figure féminine prompte à se masquer sous quelques dehors hystériques, mais toujours aux aguets, pour non seulement esquiver les coups, mais les observer de loin, sans doute parce qu’il s’agit de son homme, un homme qu’elle a aimé.
La mise en scène et direction d’acteurs sont dues à deux jeunes metteurs en scène, très efficaces. On les penserait volontiers dompteurs de fauves dans un manège, manège infernal de l’amour et la haine. Mais même dans cette cage à lions, la main sur les barreaux, ils témoignent de la sensibilité de l’auteur, une pudeur de tendresse ineffable.
Une très bonne pièce, des comédiens surprenants, que dire de plus sinon qu’il faut vraiment se déplacer pour aller voir ce spectacle qui donne beaucoup à réfléchir, qui parle d’amour féroce, d’amour inverti, d’amour tout court, « Et comme l’espérance est violente » chante Apollinaire.
Paris, le 9 Mai 2013 Evelyne Trân