d’après l’œuvre et la vie d’Oscar Wilde Mise en scène de Philippe Person Avec Anne Priol, Emmanuel Barrouyer et Pascal Thoreau
Du mardi au samedi à 20 H, le dimanche à 17 Heures
Il est pour le moins cruel le scénario de la vie d’Oscar Wilde. Dans cette toile terrestre où la Société à tête d’araignée laisse circuler ses futures proies qui s’appliquent à faire frissonner et étinceler ses fils, dans la bouche de l’auteur du portrait de Dorian Gray, l’expression « La vie ne tient qu’à un fil » devient solaire puisqu’il est allé au bout de son fil, Oscar, éperdument.
Par goût du vertige, sûrement, Oscar a tendu la main à sa propre
ombre, celle- là même qui lui a permis d’écrire parce qu’on n’écrit jamais qu’avec ses pattes de mouche. Quand par bonheur, il a éprouvé qu’il n’y avait pas de raison de séparer son œuvre de sa vie, sachant qu’il n’y a pas de vibrations qui échappent au mouvement de la toile de la Sainte araignée.
A qui profite le scandale ? On a du mal à imaginer l’émotion qu’a suscitée l’annonce de l’emprisonnement d’Oscar pour crime d’homosexualité, dans les milieux mondains et intellectuels à la fin du 19ème siècle.Comment peut- on être, à la fois, un artiste génial et un fauteur des bonnes mœurs ? Faire tourner la tête de l’araignée, allons donc, croyez-vous que c’est possible ? Opiner du chef et comment ? A cette époque aussi, il y eût le scandale du Capitaine Dreyfus. Gobineau avait écrit son essai sur l’inégalité des races humaines. La France, l’Angleterre étaient en pleine expansion coloniale. Les femmes venaient d’obtenir l’autorisation de passer le baccalauréat. Elles affichaient sur les photos leurs superbes crinolines. Il n’y avait pour se distraire, ni radio, ni télévision, ni cinéma mais il y avait le théâtre et les cabarets pour nourrir et dégourdir les cœurs de cette brave Société, pour le moins privilégiée. Et c’est cette même société qui a porté aux nues Oscar, avant de le descendre.
Nous n’aurions pas fini d’explorer la toile et les convulsions dont se pare notre épiderme. Ne sommes-nous pas tous fils de ou d’un tel.
Sur la scène du Théâtre du Lucernaire, un grand cadre affiche
une multitude de photos, une sorte de mille feuilles qui tenterait d’exprimer,toutes lueurs confondues, l’histoire d’une folie. En piste donc Oscar Wilde, On peut jouer ta vie sur un air d’accordéon, semble dire le metteur en scène qui a choisi la carte postale pour t’évoquer .
Oui, Oscar était une célébrité, ce genre d’excentrique qui fait la une dans les journaux à sensations. Il est devenu un mythe pour les littérateurs .Les mythes ça ne court pas les rues, tous les trophées partent chez les musiciens et stars de cinéma. Mais avec Oscar, nous sommes servis parce que cet artiste est un drôle d’animal. Il est jeune, amoureux, libre penseur. Il ne demande qu’à disposer de son corps et de son esprit. Il court encore Oscar, il court encore car il n’y a aucune étiquette qui puisse lui coller à sa peau.
Enfin le spectacle, plutôt gai, nous suggère que la vie fût-elle celle d’Oscar, tombe sous le sceau de la comédie. Distrayons-nous des bonheurs et des malheurs d’Oscar sans arrière-pensée. Après tout, nous sommes au spectacle, au théâtre. Mieux vaut en rire qu’en pleurer, ta vie ne fut qu’un prodigieux et lancinant vertige.Sous le vent de tes textes éparpillés, ton portrait louche encore, cher Oscar, à l’aube d’un sourire. Celui que t’accorde, sans esbroufe, la compagnie Philippe Person, en
une joyeuse fête animée de cet invulnérable aphorisme : Les folies sont les seules choses que l’on ne regrette jamais.
Le 6 Novembre 2011
Evelyne Trân
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