Six personnages en quête d’auteur d’après Luigi Pirandello – Mise en scène de Marina Hands au théâtre du Vieux Colombier 21 rue du Vieux Colombier 75006 PARIS du 5 Juin au 7 Juillet 2024.

ÉQUIPE ARTISTIQUE

d’après Luigi Pirandello
Traduction : Fabrice Melquiot
Adaptation : Fabrice Melquiot et Marina Hands
Mise en scène : Marina Hands
Scénographie : Chloé Bellemère
Costumes : Bethsabée Dreyfus
Lumière : Bertrand Couderc
Son : Jean-Luc Ristord
Collaboration artistique : Anne Suarez

Photo de répétitions © Christophe Raynaud de Lage

DISTRIBUTION :

Thierry Hancisse. Le père

Coraly Zahonero, l’assistante

Clotilde de Bayser, La mère

Guillaume Gallienne, Le metteur en scène

Adeline d’Hermy la Belle-fille

Claire de La Rüe du Can, l’actrice

Adrien Simion, le fils

Margot Desforges : le Petite Fille (en alt.) Manon Dujardin : La Petite Fille (en alt.)

Cléophée Petiot: la Petite Fille (en alt.)

Eprouver comme un pincement au coeur à l’issue d’une représentation de Six personnages en quête d’auteur de PIRANDELLO, cela réveille une spectatrice souvent passive qui s’estime interpellée extraordinairement.

Le public se retrouve face à face comme dans un miroir en raison d’un dispositif bi-frontal. Il n’y a pas de décor donc pas de mur et de rideau mais les acteurs.trices et les personnages n’en ont cure.  Donc le public est là pour assister à une répétition difficile d’une pièce  de Pirandello avec un metteur en scène mal embouché, un régisseur, une assistante et les interprètes. C’est alors que surgissent de façon intempestive, les membres d’une famille qui demandent au metteur en scène de monter leur drame familial. Ce dernier après avoir refusé, finit par accepter et son équipe est chargée de jouer l’histoire de cette famille. A noter que les membres se sont présentés comme des personnages et non des personnes réelles.  Lesdits personnages décus par le jeu des interprètes décident d’incarner eux mêmes leurs propres rôles. Mais c’est trop sans doute car la pièce se termine par une débandade générale.

Lors de sa première, le 9 mai 1921, la pièce a fait scandale puis s’en est suivi le succès qui a rendu célèbre Pirandello.

Pirandello, grand travestisseur de la réalité prétend avoir tiré de son imagination ces personnages en quête d’auteur (la préface de la pièce est incroyable). Or voilà des personnages dont les drames révèlent des comportements particulèrement immoraux : le père couche avec sa belle fille prostituée, il a abandonné femme et enfants etc. (On pense à Dostoievski) . Voilà donc des tourments, des conflits familiaux qui veulent s’exprimer au grand jour, mais sont censurés par la bourgeoisie.  Ces personnages n’en peuvent plus en somme d’être effacés et ils le crient à la face des comédiens.nes incapables selon eux d’interpréter leur drame.

S’il s’agit d’individus condamnés à être des personnages c’est parce qu’il serait impossible, voire insoutenable  de se les représenter autrement d’où la nécessité de les exprimer par le biais de l’art ou de l’illusion.

Il faudrait donc accepter l’idée de personnages dans lesquels peuvent se transférer les émotions et souvenirs les plus pénibles.

Pirandello en a conscience, il y a une différence entre la réalité et la fiction, entre un personnage et une personne réelle, mais la perception parfois se brouille . C’est ce conflit qu’il met en scène, non sans humour, dans Six personnages en quête d’auteur. Pirandello donne le sentiment de jouer avec le feu avec cette épée de Damoclès, la folie qui guette et qui le menace au premier plan (elle fait partie de son expérience intime puisque son épouse a dû être internée).

En résumé, il y a véritablement des personnages tels ceux de la rue, anonymes en quête d’auteur qui ne seront jamais représentés. Ce qui crève les yeux dans la réalité est-il représentable ? Les témoins se sentent impuissants. Les artistes, le metteur en scène et l’auteur n’ont plus les beaux rôles, ils sont en passe d’être détrônés de la scène par des personnages qui font irruption sans crier gare.

Les comédiens.nes sont garants du spectacle mais leurs prestations s’avèrent peu convaincantes face aux revendications de personnages qui d’après Pirandello sortent tout droit de son imagination mais au fond doivent bien à voir quelque chose avec la réalité car les psychodrames familiaux dont ils sont porteurs dépassent justement notre imagination.
Remise en question des comédien.nes, du metteur en scène, de l’auteur mais aussi du public. Que vient-il chercher au théâtre ? Les personnages joueraient-ils le rôle de leur inconscient ?

La mise en scène de Marina HANDS est particulièrement sensible, on y croit à ces personnages totalement possédés, les interprétations de Thierry HANCISSE (le Père) et Adeline d’HERMY (la belle-fille) sont saisissantes.

Dans cette pièce, la comédie et le drame se côtoient et la metteure en scène avec une équipe de comédiens.nes formidable, opère la balance si subtilement que l’on finit par songer que cette pièce est un rêve éveillé où se rejoignent pêle-mêle aussi bien les gens de théâtre que les personnages, l’auteur et le public qui ne mettraient pied à terre que sur scène.

Le 1er Juillet 2024

Evelyne Trân

N.B : Article également publié dans le Monde Libertaire.fr :

2 commentaires sur “Six personnages en quête d’auteur d’après Luigi Pirandello – Mise en scène de Marina Hands au théâtre du Vieux Colombier 21 rue du Vieux Colombier 75006 PARIS du 5 Juin au 7 Juillet 2024.

  1. La mere est interpretée par Clotilde de Bayser et la Belle Fille par Adeline D’Hermy. J ai personnellemet detesté les hurlements qui accompagnaient cette mise en scene, et que le texte original ait ete sacrifié. il s agit d une vaste crise de nerfs d une famille d’apres une piece de Pirandello.La voix stridente de « la belle fille » rend certaines phrases incomprehensibles.

    Quel dommage, le sujet etant, le theatre, l interaction entre un acteur et le personnage qu il interprete (eternel et fixé) alors que l interpretation en est fugace et subjectivée par l’acteur.

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    1. Désolée si je me suis trompée sur la distribution , vous faîtes bien de me le signaler.
      L’interprétation de la belle fille peut paraître excessive mais je l ai trouvée impressionnante parce qu’elle détonne justement .
      J’ai bien aimé le visage de mère défait et douloureux…
      N étant pas spécialiste de Pirandello, je ne suis pas en mesure de comparer la traduction originale avec celle de Melquiot. C est vrai que les personnages criaient beaucoup et gesticulaient et je n ai pas toujours entendu le texte.
      Au fond il ne s’agit pas d une pièce réaliste. Il s y dégage à mon sens une certaine folie, une douleur qui m interpellent personnellement.

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