PREMIER AMOUR de Samuel BECKETT- Mise en scène de Jean-Michel MEYER avec Jean-Quentin CHÂTELAIN au Théâtre LE LUCERNAIRE 53, rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris – Du 19 Octobre au 4 Décembre 2022 du mardi au samedi à 21 H et le dimanche à 17 H 30. Puis le 9 Décembre – La Comédie – FERNEY (01).

C R É AT I O N E T R É G I E LU M I È R E : T H I E R R Y A P E R A N
PRODUCTION : LE K SAMKA
COPRODUCTION : THÉÂTRE SÉNART – SCÈNE NATIONALE
CORÉALISATION : THÉÂTRE LUCERNAIRE

Mise en scène : Jean-Michel MEYER

Avec  Jean-Quentin Châtelain

La fraicheur ou l’innocence à laquelle renvoie le titre de la nouvelle de BECKETT  Premier amour  illustre merveilleusement cette réflexion de Victor HUGO « Les mots manquent aux émotions ».

Il s’agit de la première nouvelle écrite en français par Beckett en 1945 et publiée seulement en 1970 en raison de son caractère biographique. La mise en scène de Jean-Michel MEYER « Pas de musique, pas de décor, pas de gesticulation » respecte les volontés de Beckett.

Qui se soucie de la genèse d’une écriture s’interrogera sur son évolution. Celle de Premier amour est semble-t-il bien plus transparente que celles qui ont suivi alors même qu’elle émane d’un narrateur qui cherche ses mots et se décrit sans aucune aménité tel un spectateur de lui-même quasi immobile scrutant son propre engourdissement.

Le narrateur dont on ignore le nom n’est pas un écrivain (donc il ne s’agit pas de Beckett même si évidemment il met de lui-même dans le personnage) et il se le répète à lui-même, les mots lui manquent. Ils ne se greffent pas naturellement ou aisément aux évènements qui lui inspirent des sentiments, des sensations très personnelles.

Le narrateur pourrait être considéré comme un individu asocial, il est une grotte à lui tout seul qui ne veut pour guide que ses propres sensations. De telle sorte que l’autre le dérange ou le heurte. Il donne l’impression d’être toujours sur la défensive.

Cet individu solitaire, marginal est chassé à 25 ans de chez lui à la mort de son père. Il ne s’apitoie pas sur son sort. En basse saison, il se réfugie sur un banc, en hiver il s’aménage un nid dans une étable abandonnée. Un jour il fait la connaissance d’une jeune femme sans presque mot dire mais ils s’apprivoisent physiquement puisqu’ils partagent le même banc. Enfin cette femme qu’il ne peut décrire l’emmène chez elle. Il s’accommode de son nouveau logis mais le quitte à la naissance d’un enfant dont il ne peut supporter les cris.

Résumée ainsi la nouvelle pourrait faire penser à un récit de Maupassant. Mais ce qui intéresse Beckett, ce qu’il cherche à exprimer, c’est la vérité charnelle, physique, dysfonctionnelle d’un individu qui s’éprouve étranger dans ce monde.

Mais n’importe comment, il s’agit quand même d’un homme et c’est cette humanité « invisible » que recouvre la civilisation qui interpelle.

Question d’humus. Même malheureux, il faut imaginer cet homme avec un sourire, étonné d’évoquer un premier amour alors que son récit ne peut que refléter ses difficultés relationnelles et n’enjolive surtout pas sa perception. Le décalage entre le prosaïsme des situations et le romantisme d’un premier amour ne manque pas de piquant.

C’est à un véritable voyage inter humain auquel nous convie son interprète Jean-Quentin CHATELAIN. Le menhir que l’on voit sur scène est un homme. Sous la charpente, il étincelle. Son rapport à l’être, à son corps, à la femme finit par résonner comme un cri lumineux qui jaillit de la terre, de l’humus.

Ce sentiment terrestre comme une poignée de terre qui glisserait dans la main s’accroche aux mots et à leur salive. C’est tout simplement jouissif.

Cette pensée du comédien « Les monologues c’est une marche dans les traces de quelqu’un. Le texte est un sentier et j’aime le temps de la marche en solitaire » coïncide avec l’écriture de cette nouvelle. Comment oublier que les mots pour aller et venir et se confronter à l’inexprimable passent par la voix et le corps et c’est ce manège surprenant si tangible au théâtre qui nous étreint.

Le 28 Novembre 2022

Evelyne Trân

N.B : Article également publié sur LE MONDE LIBERTAIRE.NET

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