La promesse de l’aube de Romain Gary – Adaptation et jeu Franck DESMEDT – au Théâtre Le Lucernaire 53 Av Notre Dame des Champs 75006 PARIS du 25 Août au 7 Novembre 2021 – A 18 H 30 du mardi au samedi, le dimanche à 17 H.

MISE EN SCÈNE STÉPHANE LAPORTE E T DOMINIQUE SCHEER
A DA P TAT I O N E T J E U FRANCK DESMEDT (ROMAIN GARY)

Une histoire d’amour « merveilleuse » entre une mère et son fils ! Un merveilleux qui transite par la lucidité de l’enfant saisi de honte lorsque sa mère annonce à qui veut bien l’entendre, les voisins, les professeurs : Mon fils sera ambassadeur de France, mon fils sera un grand écrivain français.

« Son regard de fierté et d’admiration me suivait partout » confie Romain Gary dans ce roman autobiographique La promesse de l’aube écrit à l’âge mûr, à 45 ans. Le titre, juste le titre que l’on peut glisser sur ses lèvres, il est possible de l’associer à une caresse ultime, celle que procure au narrateur la présence inaliénable de cette mère, chevillée au corps et à l’esprit. Elle préside à la destinée de son fils.

D’un naturel exubérant Mina Owczynska née en Lituanie et émigrée en France (à l’adolescence de Romain) douée d’une énergie hors normes, consacra sa vie à l’éducation de son fils au point de l’étouffer, ce dernier se prenant à regretter qu’elle n’ait point eu d’amant.

Cette mère extravagante qui déclarait avoir été une grande actrice avait une personnalité encombrante mais si pleine de vitalité qu’elle l’a manifestement transmise au narrateur dont l’œuvre révèle bien des aspects tourmentés, voire désespérés. Gary lui fait dire que « La mort est une formalité désagréable mais où tous les candidats sont reçus ».

Il fallait exprimer cette promesse de l’aube avec cet humour destiné à « désamorcer le réel » Franck DESMEDS s’y emploie en donnant le ton de l’invraisemblance du souvenir. C’est que Gary n’analyse pas ses souvenirs, il les vit comme de véritables flashbacks émotionnels, comme au cinéma certaines scènes de film où sa mère jouerait le rôle principal. A croire que sa mère était une véritable actrice dans la vie. Pour celle qui était dans la misère, seule pour élever son fils, il s’agissait de réinventer la vie.

Franck DESMEDS met en évidence les anecdotes les plus croustillantes du roman, celle par exemple où l’enfant Gary est contraint de jouer au tennis devant sa majesté Gustave V de Suède pour ne pas décevoir sa mère qui entendait l’inscrire gratuitement à un cours célèbre ou encore celle où il s’apprête à aller tuer Hitler à la demande de sa mère qui finit par le prier de « renoncer à ce projet héroïque ».

L’on y croit à ces scènes et on les visualise à travers la voix de Franck DESMEDS tour à tour aimable, sémillante, colorée, grasseyante ou pointue, qui interprète aussi bien Gary que sa mère et d’autres personnages.

Et l’on rit pendant le spectacle, ce qui fait un bien fou, avec indulgence pour les fantasmes d’une mère si originale, si pittoresque. Romain Gary écrit avec une pointe d’amertume :

« Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours ».

Or, c’est à travers cette promesse de l’aube que Mina Owczynska apparaît comme pour fortifier l’image du narrateur qui se confondrait alors avec celle de la mère, le temps d’un sentiment de tendresse retrouvée, le temps d’un geste de bienveillance.

L’on ressort du spectacle l’esprit apaisé et heureux !

Eze, le 25 Septembre 2021

Evelyne Trân

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