- Auteur : Samuel Beckett
- Mise en scène : Jean-Claude Sachot
- Distribution : Philippe Catoire, Vincent Violette ou Guillaume Van’t Hoff, Jean-Jacques Nervest, Dominique Ratonnat.
- Durée :1h50
N.B : Jean-Claude SACHAT était l’invité de l’émission DEUX SOUS DE SCENE sur l’antenne de RADIO LIBERTAIRE 89.4, en Mars 2016
La salle du Théâtre ESSAION où se donne actuellement « En attendant Godot » à la fois modeste et belle nous paraît tout à fait appropriée pour accueillir cette portion d’humanité imaginée par Beckett qui n’en finit pas de se demander ce qu’elle fout là, en conversant de tout et de rien, histoire de passer le temps.
Il doit y avoir mille et mille manières de monter Beckett, mais celle qu’a choisie Jean-Claude SACHOT nous a réjouis parce qu’elle nous a divertis, émus, sans que nous ayons eu besoin de nous creuser la tête ou de nous la cogner contre les murs.
Les vieilles chaussures qui torturent Estragon en disent aussi long que de grands discours et il n’est peut être pas nécessaire de chercher Midi à 14 heures pour comprendre que nous avons affaire à quelques misérables échantillons de l’humanité auxquels nous pouvons bon gré, mal gré nous identifier.
Dans leur cour de récréation désertique, ces gueux d’Estragon, Vladimir, Pozzo et Lucky, poussent leurs gueulantes en geignant, en s’échappant vers la folie, en réchauffant leurs solitudes par quelques étreintes ou par quelques coups de fouet.
Des échantillons à poil certes, des va-nu-pieds mais qui ont la consistance de nous parler de nos pauvres corps exposés à la maladie, la vieillesse, la dépression, la mort… Cela est si peu gai que cela en devient risible.
Cette désespérance comique, les comédiens l’expriment à fond, et l’on en arrive à se demander si tous ces personnages qui n’ont rien à perdre – sinon en ce qui concerne Estragon et Vladimir attendre Godot – se prennent vraiment au sérieux. De la vie à la comédie, il n’y a qu’un pas. La comédie que se jouent ces personnages leur est inspirée par les tracas de leur condition, par leur sentiment de tourner à rond, comme des ânes.
Il y a ce moment irrésistible où Pozzo qui tient en laisse Lucky lui ordonne de penser. Comme si l’on pouvait ordonner à quelqu’un de penser ! A travers cet ordre infâme résonne déjà toute la folie humaine !
Guillaume van’t Hoff est prodigieux en Lucky atteint de logorrhée. Philippe CATOIRE et Dominique RATONNAT, respectivement Estragon et Vladimir, à la fois drôles et touchants, par certains aspects rappellent Laurel et Hardy, Jean-Jacques NERVEST est un imposant et inquiétant POZZO. Il y a aussi cette jolie idée de faire jouer le petit garçon par une marionnette très expressive.
Voilà un « En attendant Godot » où l’on ne s’ennuie pas une seconde, heureux de constater que décidément la pièce n’a pas vieilli, n’a pas eu le temps de vieillir. C’est tant mieux pour cette excellente équipe que nous avions déjà appréciée dans « Fin de partie » et que nous applaudissons de plus belle !
Paris, le 21 Mars 2016
Mis à jour le 18 Avril 2019 Evelyne Trân