LE MAITRE ET MARGUERITE de Mikhaïl Boulgakov adaptation et mise en scène Igor Mendjisky au THEATRE DE LA TEMPETE – Cartoucherie, Route du champ de manoeuvre – 75012 – Paris – Salle Serreau • Durée : 1h50 du 10 Mai au 10 Juin 2018 – Repris du 6 au 27 juillet à 19h40 à Avignon au 11 • Gilgamesh Belleville –

 

avec Marc Arnaud, en alternance avec Adrien Melin, Romain Cottard, Pierre Hiessler, Igor Mendjisky, Pauline Murris, Alexandre Soulié, Esther Van den Driessche, en alternance avec Marion Déjardin, Yuriy Zavalnyouk 

assistant à la mise en scène Arthur Guillot – traduction du Grec ancien Déborah Bucci – lumières Stéphane Deschamps – costumes May Katrem et Sandrine Gimenez – son et vidéo Yannick Donet – scénographie Claire Massard et Igor Mendjisky – construction décors Jean-Luc Malavasi – service de presse @ Zef (01 43 73 08 88)  – Isabelle Muraour (06 18 46 67 37) et Emily Jokiel (06 78 78 80 93) / www.zef-bureau.fr

N’était-il pas audacieux d’introduire comme personnage principal de son roman « Le Maitre et Marguerite » le Diable en personne ? Il faut croire que ce roman demeuré inachevé, écrit par Boulgakov de 1928 à 1940, sous le régime de Staline, était particulièrement subversif puisqu’il ne fut publié à titre posthume, en version non censurée qu’en 1967.

 Dans ce roman prodigieux Boulgakov déplace des montagnes, celle des croyances et des mythes qui constituent les limites du genre humain dans sa perception du bien et du mal.

 Le Diable représenté par le Professeur Woland, spécialiste de la magie noire prend un malin plaisir à provoquer l’intelligentsia du monde du spectacle et de la littérature ligotée par la censure comme l’était Boulgakov lui-même.

 Curieux Diable tout de même qui vient à la rescousse de pauvres écrivains internés en asile psychiatrique à cause de leurs propos délirants. Ce Diable ne fait donc plus figure d’ange exterminateur mais d’ange libérateur qui entend offrir la liberté à ceux qui n’y croient plus, faute de pouvoir l’exercer.

 Véritable manifeste de résistance, contre la censure qui mina la carrière de l’écrivain, ce roman constitue en quelque sorte le journal intime de Boulgakov qui sait qu’il ne dispose qu’une seule arme, son imagination pour s’extraire de la torpeur ambiante.

 La fameuse scène où deux intellectuels rencontrent le Professeur Woland alias le diable, dans le parc des Etangs du Patriarche, donne le ton ironique et fantastique qui parcourt toute l’œuvre. C’est à l’occasion d’une discussion entre le professeur Berlioz et le poète Ivan sur l’existence de Jésus que le professeur Woland intervient et déclare en substance à ses interlocuteurs « Comment pouvez-vous croire gouverner le monde, vous qui n’êtes pas capable de connaitre votre avenir » Ce dernier prédit sa mort au professeur Berlioz incrédule. Puis inopinément s’ensuit une scène entre Ponce Pilate et Jésus, sujet du poème d’Ivan…

 Le va et vient constant entre la réalité et la fiction devient le moteur du roman puisque ces deux dimensions forment les deux pôles du tourbillon mental qui submerge les personnages.

 L’adaptation théâtrale de ce roman profus, d’emblée se situe sur la lisière du rêve, toutes les situations fictives ou réelles, se déroulant sur le même plan, le champ d’exploration de Boulgakov, hanté par un Diable capable d’effacer les frontières entre une réalité qui fige les protagonistes et leurs rêves, les fantasmes qui les habitent.

 Il s’agit donc de créer l’illusion d’une fusion entre la réalité assumée par les personnages qui confine au cauchemar et leurs désirs que seul le diable pourrait réaliser.

 Le Diable devient l’amant idéal qui orchestre l’orgasme onirique de ses victimes consentantes.

 De ce point de vue, l’adaptation théâtrale d’Igor MENDJISKY est réussie. Elle intègre une dimension diabolique dans la mise en scène, avec un écran géant où se projettent les décors tandis que sur la scène dénudée, les personnages jouent leur vie.

Photo Antonia BOZZI

 Sont-ils projetés par le regard d’un Diable, allez savoir ! Le Professeur Woland interprété par Romain COTTARD a un côté  dandy, plutôt cool, il est agaçant mais jamais agressif.

 L’équipe de la Compagnie Les Sans cou, offre une lecture onirique, libertaire du conte, sans débordements d’humeurs. Le cocon du rêve absorbe la cruauté. Il appartient aux spectateurs, livrés à la flamme occulte de ce Professeur Woland, d’apprécier son étonnant message de paix et de liberté.

 Paris, le 21 Mai 2018

 Evelyne Trân

 

 

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