Il n’est pas besoin de connaître l’œuvre philosophique de Michel ONFRAY pour s’attacher à ce texte extrait du journal hédoniste du tome 1 « le désir d’être un volcan » paru en 1996.
Ce texte est en écho à sa vision d’enfant, relayée certes par des mots d’adulte mais c’est ce regard d’enfant qui transperce la page se juxtaposant en ligne de mire au portrait du père.
Bernard Saint Omer sculpteur et comédien l’appréhende comme un poème ou peut être bien une sculpture car tandis qu’il parle, ses mains et c’est un passionnant voyage, sont toujours occupées.
Des gestes frugaux comme celui de couper une pomme, malaxer une pâte, ôter un vêtement, sont en adéquation muette avec les mots du fils qui scrute presque en apnée le silence du père.
Si cette expérience, Michel ONFRAY tient à la raconter c’est qu’il croit qu’elle est à l’origine « de manière réactive» à son goût pour les mots.
Michel ONFRAY a été lui même silencieux enfant un peu malgré lui et le silence était la tierce personne. Il ne faut pas croire que le silence soit vide bien au contraire, il permet à l’esprit de s’engager vers de multiples directions, de s’attacher aux détails, de devenir réceptif aux moindres bruits, d’observer, de se laisser toucher, accrocher, impressionner par toutes ces choses qui ne parlent pas et notamment le corps du père.
Présence inéluctable du père qui s’offre en paysage à l’enfant qui le découvre, le devine, le guette, à l’affût de son mystère.
Dans ce regard du fils plein d’amour, on entend la volonté de l’auteur de parler de l’homme tout court tel qu’il lui est apparu à travers son père. Pour redonner du sens au mot humain. Celui qu’il décrit est particulier, mais il est d’autant plus éloquent qu’il est silencieux.
Ce père ouvrier agricole, taciturne, bourreau de travail, exploité et fataliste est un peu l’opposé de ce que va devenir l’auteur intellectuel prolifique, rebelle :
« Nos trajets nous ont conduits lui et moi sur deux planètes étrangères l’une à l’autre, l’une d’immanence, de silence, de paix, de générosité, de sérénité, l’autre de mots, d’idées, de ferme, de mouvements, d’inquiétude… » .
Le corps du père aboie comme une souche d’arbre. Ici, il est arbre feuillu dans ses plusieurs saisons, il peut ouvrir ses branches à l’intérieur de n’importe quel regard, il est au cœur des choses, du toucher et des songes.
Un spectacle exceptionnel, nous n’avons pas d’autre mot pour qualifier le travail de Bernard Saint Omer qui réunit le père et le fils par sa seule présence.
Paris, le 17 Septembre 2016
Mise à jour le 13 Août 2019 Evelyne Trân
A reblogué ceci sur THEATRE AU VENT.
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