Distribution
Rapprochement de textes de Marguerite Duras : Claire Deluca, Jean-Marie Lehec
Mise en scène et interprétation : Claire Deluca, Jean-Marie Lehec
Lumières : Paul Hourlier
A travers une habile compilation de textes de Marguerite Duras essaimés dans l’oreille de Claire DELUCA sa fidèle interprète et complice depuis leur rencontre en 1965 pour les pièces Les Eaux et Forêts et la Musica, c’est une auteure inattendue que nous découvrons.
Une Marguerite DURAS espiègle qui nous assure que l’art de la conversation existe, nous qui croyons le plus souvent être condamnés à parler de la pluie et du beau temps.
Les deux personnages qui devisent sur scène prennent tout simplement le temps de se dire ce qui leur passe par la tête comme à la cueillette de champignons, de muguet, de fraises de bois. Un soupçon d’enfance les définit dans leur ère de récréation, chacun apporte ses fruits imaginaires à l’autre qui les accueille aussitôt. Converser ça peut être aussi cela, laisser rebondir la balle comme l’idée, suivre son mouvement et choyer le rêve d’autrui comme s’il était le sien.
L’un s’amène avec son bidon troué, il est en panne d’essence depuis 2 ans, son interlocutrice s’étonne à peine car elle est aussi dingue que lui avec son chien en chiffon sur les bras qu’elle appelle zigou.
Mais cela ne vient rien dire « être dingue ». C’est la vie qui est bizarre après tout, si l’on y réfléchit bien. C’est un curieux énergumène que l’homme, nous souffle Duras, qui cherche à donner du sens à toutes choses.
Nous avons repêché une phrase assez emblématique d’un des locuteurs qui décrit le comportement d’un agent de police n’ayant qu’un mot à la bouche « Circulez ! ». Il l’analyse ainsi : « Ce laconisme abrite un rêve intérieur intense qu’on pourrait appeler circulatoire ».
Et c’est à un dialogue anti-circulatoire que nous assistons entre deux êtres qui laissent pleuvoir leurs souvenirs, leurs rêves, leurs fantasmes, au bonheur de la promenade, de la découverte sans se prendre la tête, ce qui est le bénéfice de la sagesse, d’un certain retour à l’enfance.
Claire DELUCA et Jean-Marie LEHEC, excellents musiciens sont les ailes bruissantes de ces textes où perce le regard de Duras doux, infiniment rêveur. De la pure poésie !
Paris, le 2 Octobre 2016 Evelyne Trân