Présenté par ATA en accord avec Uska Productions
Écrit et mis en scène par Daniel Colas
D’après une idée de et avec Alexandre Brasseur Avec Cléo Sénia. Assistante mise en scène Stephanie Froeliger. Décors Jean Haas. Costumes Jean-Daniel Vuillermoz. Lumières Kevin Daufresne. Musique Stéphane Green et Éric Marchand. Vidéo Olivier Bemer.
Les enfants du Paradis , un film dans lequel les spectateurs peuvent avoir l’impression d’être au théâtre, unique en son genre, un hymne à l’amour, à la femme avec une galerie de personnages, indissociables de leurs interprètes : Arletty Garance, la femme libre, Jean-Louis Barrault, le mime Deburau, Marcel Herrand le truand, Pierre Renoir, le marchand d’habits Jéricho, Maria Casarès, la pure Mathilde, et Pierre Brasseur, Frédérick Lemaître.
Le film sorti en 1945 juste après la libération a été classé au patrimoine de l’humanité par l’Unesco mais il ne s’agit pas d’une pièce de musée, il est de l’étoffe des rêves comme dirait Shakespeare.
Rentrer dans les coulisses de ce rêve, c’est ce que nous propose avec bonheur Daniel COLAS sur une idée d’Alexandre BRASSEUR qui incarne Pierre BRASSEUR son grand-père qui raconte le tournage du film quelques années après sa sortie.
Tempêtes et remous d’une création collective dans la France occupée qui avait valeur de résistance sans que tous les protagonistes en aient vraiment conscience. Seul Prévert y croyait qui entend faire passer son message de la victoire de la liberté incarnée par Garance, face aux autorités, face à la censure que craignait beaucoup Marcel Carné, débordé par l’audace de son scénariste faisant dire à Jéricho « marchand d’habits, marchand d’amis » ce qui est une référence inouïe à la propagande de délation organisée par les Allemands. « Comment pactiser avec l’ennemi sans collaborer, rester libres lorsqu’on est occupé ? » ne cesse de se demander Carné. Ce n’est tout de même pas une anecdote le fait qu’Arlette qui incarne la liberté n’ait pu assister à la première du film parce qu’elle était emprisonnée pour le seul crime d’avoir aimé un Allemand.
En un sens, ils étaient tous politiquement incorrects, ou plus simplement en marge de la bonne société hypocrite et frileuse, Marcel Carné cachant son homosexualité, Arletty avec son Allemand, Alexandre Trauner et Joseph Kosma tous deux juifs hongrois, Marcel Herrand et Jean-Louis Barrault qui ont mauvaise conscience de ne s’être pas engagés dans la résistance. Un événement tragique, la mort d’un jeune résistant, propriétaire du Prieuré qui accueillait les artistes donna la mesure de « l’effroyable réalité » : Trauner, le décorateur et Kosma qui jouait au piano les thèmes des pantomimes de Deburau, avaient la mort aux trousses.
Les circonstances complexes du tournage du film ont joué leur rôle. C’est toute la dimension humaine d’une création collective qui nous est rapportée par un trublion, un cabotin, un comédien Pierre Brasseur, inoubliable Frédérick Lemaître qui évoque l’ancien titre du film Les funambules « Mais dans le fond, c’est bien ce que nous étions à marcher droit sur un fil tendu vers le but, sans regarder l’abîme de part et d’autre, de peur d’y basculer, on allait droit vers la lumière ».
Profession de foi d’un artiste qui reconnait qu’il ne fait pas partie des héros et que c’est pour cela qu’il est comédien pour pouvoir les jouer.
Le talent de conteur d’Alexandre Brasseur rend captivante cette belle aventure humaine que fut la création des Enfants du Paradis. Seul en scène sauf lorsqu’il contemple une magnifique créature rappelant Garance, il donne voix à Carné, Prévert, Barrault, Herrand, Arletty avec la même pétulance que son grand-père. Mais nous n’avons pas l’impression qu’il joue, il est vraiment habité par ces personnages. Une belle passion à partager, à poursuivre, à transmettre à toute personne aimée pour le plaisir de lui chuchoter à l’oreille « Faudra que tu ailles voir les Enfants du Paradis ».
Paris, le 24 Septembre 2016 Évelyne Trân