Kabuki
坂東彌十郎 『積恋雪関扉』
Omatsuri (le grand festival)
Tsumuro koi Yuki no seki no to (La barrière d’Ôsaka sous la neige des amours)
Avec Bandô Yajûro et Bandô Shingo
Bandô Yashichi, Bandô Yafu, Bandô Yamon
Musique et chant de style Tokiwazu
Chant et récitatif de Jôruri : Tokiwazu Kanetayu, Tokiwazi Kikumidayu, Tokiwazu Chizutayu
Shamizen : Tokiwazu Mozibei, Kishizawa Shikiharu
Autres instruments : Tanaka Saei, Mochizuki Sanomaru, Tanaka Denkichi, Tanaka Dentatrou
Chorégraphie Fujima Kanjuro (Omatsuri), Fujima Rankoh (La barrière d’Osaka)
Décors Kabuki-za Butai (SA)
Lumières Adachi Yasuo
Accessoires scènes Fujinami Kodôgu (SA)
Costumes Shôchiku Ishô (SA)
Perruques Nippon Engeki Katsura
Coiffeur (tokoyama), Kamoji Tokoyama, Mitsumine Tokoyama
Arguments des pièces Iguchi Yukoh
Musique révisante SBS
Avec la collaboration de Shôchiku (SA)
La Maison de la Culture du Japon faisait salle comble lors des représentations exceptionnelles de deux pièces maîtresses de Kabuki interprétées par le maître Yajûro BANDO et son fils Shingo BANDO en tant qu’Onnagata (acteur jouant des personnages féminins).
Dans la première « OMATSURI » (Le grand festival) le personnage est un super héros, chef de brigade de pompiers qui danse, grisé par l’alcool et voit apparaître une geisha . Quelques scènes de bagarre avec des jeunes gens, « la bonhomie et l’esprit malicieux » du thème suggèrent une atmosphère de liesse propre aux « Matsuri ».
La deuxième « Tsumoru koi yuki no seki no to » « La barrière d’Osaka sous la neige des amours » est également une pièce dansée représentée pour la première fois à EDO en 1784 . Deux scènes seulement ayant été conservées, c’est la seconde qui a été présentée au public. Digne d’un conte de fées, elle est caractéristique du style kabuki et de l’imaginaire japonais. Un cerisier est en fleurs en plein hiver et le héros, le gardien de la barrière qui ambitionne de détrôner l’empereur aperçoit au fond d’une coupe le reflet des étoiles. Ces étoiles l’incitent à abattre le cerisier . Mais avant même qu’il ait pu porter le coup fatal, il s’évanouit et l’esprit de l’arbre prend la forme d’une fille de joie. Par la suite, la fille de joie découvrant que le gardien n’est autre que l’assassin de son amant, les deux protagonistes s’affronteront lors d’un duel acharné.
Le metteur en scène n’a pas jugé nécessaire d’inscrire des sous titres en français. Dès lors que l’intrigue de la pièce a été annoncée, c’est aux acteurs d’exprimer par leur jeu exagéré extrêmement coloré et codifié toute une palette d’émotions. Le terme de jeu prend tout son sens, il s’agit bien de jouer les émotions de la façon la plus extravertie qui soit. Ce qui est étonnant pour le public non initié c’est d’éprouver combien l’extravagance du kabuki est pourtant soutenue par toute une gamme de codes et de techniques.
Les acteurs portent plusieurs costumes sur scène. En pleine action, ils en changent aidés par des assistants. l’effeuillage des vêtements est vraiment fabuleux.
Le kabuki permet d’exprimer de façon spectaculaire la complémentarité du yin et le yang. A cet égard, l’histoire du kabuki est particulièrement éloquente. A l’origine le kabuki né au bord d’une rivière vers 1600, fut créé par une prêtresse qui se déguisait en homme. Les spectacles furent repris par des prostituées. Puis pour des raisons d’ordre public, il fut interdit aux femmes de jouer. Dès lors, les hommes durent reprendre les rôles féminins.Tout l’art des « onnagata » spécialisés dans ces rôles, consiste à exprimer la féminité aussi bien que les femmes sinon mieux.
Le public a pu apprécier le raffinement du jeu de Shigo BANDO étonnamment subtil, contrebalançant le jeu démonstratif et comique du héros masculin.
Ce superbe spectacle qui associe la danse, le mime, la musique de style Tokiwasu et les chants et récitatifs de Joruri, particulièrement édifiant pour les non initiés a été précédé d’une présentation de l’art de kabuki par le maître Yajûro BANDO lui-même avec beaucoup d’humour.
Le kabuki n’est pas sur le même plan que le nô réservé aux classes supérieures. Il est né du peuple. Il est caractérisé par le jeu exagéré des acteurs dont les gestuelles sont accompagnées d’effets sonores reconnaissables d’emblée ou symboliques. Il appartient au tambour d’exprimer aussi bien la neige qui tombe, l’apparition de fantômes, que la course d’un homme énergique ou celle d’une femme douce.
Les artistes tels que Yajûro BANDO et Shingo BANDO qui n’ont pour but modestement que de se perfectionner dans la voie du kabuki, peuvent être perçus comme des phénomènes dont la vitalité se mesure à l’intérêt et le plaisir qu’ils continuent de susciter. Du théâtre à l’état pur, à l’image de ce cerisier en fleurs en plein hiver !
Paris, le 29 Mai 2016 Evelyne Trân