- Metteur en scène :
François Lazaro, Christophe Sauvion
- Avec :
Christophe Sauvion
- Adapté de : Samuel Beckett
François LAZARO, le créateur du Festival TERRA INCOGNITA consacré au théâtre de formes et d’animation par la marionnette et l’objet a adapté « PREMIER AMOUR » une nouvelle de Samuel BECKETT écrite en français, en 1945 et publiée par les Editions de Minuit, en 1970, pour un comédien Christophe SAUVION et des objets.
La nouvelle a la forme d’un monologue, celui d’un homme qui se parle ou nous parle, qui porte sa maison sur son dos comme un sans domicile fixe, parce qu’il existe sans trop savoir comment ni pourquoi et sa solitude devient ce curieux territoire où s’amassent ses souvenirs, ces maux, une douleur qui traine, le poursuit.
L’homme ne fait pas joujou avec les mots. Les mots l’accompagnent, ils sont là pour ça et ils portent sa trace. Ainsi à travers des mots, on peut deviner un homme. Dans « Premier amour » il parait évident que les mots ont une origine humaine presque caverneuse.
Dans la mise en scène de François LAZARO et de Christophe SAUVION, les mots se conjuguent avec la voix d’un prédateur en proie avec l’infini mystère d’une solitude dont les interlocuteurs sont d’étranges objets familiers.
Habituellement, nous ne faisons pas attention à ce que fait notre main pendant que nous parlons. Combien de papiers froissés, déchiquetés dans nos poches à notre insu ?
L’homme du »Premier amour » est physique et brutal et certains objets sont là pour lui rappeler que son corps est le siège de pulsions animales qui bousculent sa pensée, la contredisent, se moquent des belles phrases.
Baudelaire disait qu’il avait trouvé de l’or dans la boue. Ce que raconte l’homme de sa vie, de son premier amour a une apparence sordide. Il écrit le nom de la femme qu’il aime avec de la bouse de vache.
Mais un opéra fabuleux s’exhale de la puanteur. Le comédien réussit à exprimer ses relations difficiles avec la femme « objet » en baladant un soutien-gorge usagé qui devient tout à coup si présent, si expressif que nous avons tout loisir d’y projeter aussi bien quelque rêve indécent que des soupirs de vierge effarouchée.Très cocasse également, le coït entre un presse purée et un autre ustensile de cuisine.
Il suffit de la main d’un homme pour faire parler des objets, parce que l’humain ne cesse de projeter ses sensations organiques sur son environnement inconsciemment ou pas.
Après tout, les mots ne peuvent pas tout dire même s’ils sortent d’un auteur aussi éloquent que BECKETT. Place donc aux objets, au regard du comédien qui sait les utiliser pour rendre compte de toute la rage, violence, humour et poésie du texte de BECKETT, permettant à «Premier amour» de façon sublime «TERRA INCOGNITA » de prendre le large.
Il s’agit d’une magnifique récréation, une grande interprétation de « Premier amour », un texte qui sort de ses gonds, magnifié par son incarnation par Christophe SAUVION et ses objets apprivoisés.
Nous sommes entrés dans l’univers de BECKETT par la meilleure porte, humaine et fantastique.
Paris, le 15 AVRIL 2014 Evelyne Trân
http://www.theatre-contemporain.net/biographies/Christophe-Sauvion/presentation/