Texte français de Laurence Sendrowicz
Le texte de la pièce est édité aux Éditions Théâtrales
Interprètes Serge Lipszyc, Jérémy Lohier (accordéon), Nathanaël Maïni, Marie MurciaDécor et Scénographie Sandrine Lamblin
Production L’Aria
Une scène de théâtre pour une scène de ménage, voilà un petit ressort comique aussi existentiel qu’un piège à souris que nous tend l’œil malicieux, le dramaturge Hanokh Levin.
Quelle mouche a donc piqué Yona Popokh pour qu’il veuille après vingt années de mariage quitter sa femme Léviva ? Crise de la cinquantaine, démon du midi ? Cette mouche s’appelle l’ennui et la peur de la vieillesse. Traiter sa femme de tas de viande, le grand poète Baudelaire s’est complu aussi à cet exercice. Est-ce à dire que les histoires de couple se prolongent grâce au va et vient d’un sadomasochisme sous-jacent au flux de la libido.
C’est parce qu’il ne s’aime pas, que l’impuissance le guette, et que tous ces vieux rêves d’adolescents ont pourri dans une vieille armoire, qu’il trouve sa femme « répugnante ». Vers qui d’autre projeter son sentiment de dépérissement ? Par contraste, Leviva sa femme parait plus raisonnable. Elle tient le choc parce qu’elle connait son homme, elle sait que ses poches de rêves sont vides, et puis surtout qu’elle le tient par cette sorte d’amour « désintéressé » qui fait qu’elle pourrait l’aimer encore plus vieillissant comme un enfant . Ceci dit, elle pourrait prendre aussi au vol, le fil de la liberté que lui tend l’homme ingrat et veule.
Et puis au beau milieu de la scène de ménage, quand le couple essaie de se rabibocher en faisant l’amour, surgit Gounkel, le voisin en plein délire de solitude qui vient demander de l’aspirine. Le spectre de la solitude atteint le summum comique grâce à l’interprétation déjantée de Nathanaël Maïni.
« On est tous des Gounkel » déclare Yona Popokh. « Il crie, ça lui passera » doit penser Leviva, lumineuse Marie Murcia, qui fait la pluie et le beau temps. Il y en a toujours un qui veille pendant que l’autre ronfle. Et les personnages chantent aussi de temps en temps sous des airs de l’accordéoniste Jérémie Lohier. .
Serge Lipszyc, interprète de Yona Popokh signe une mise en scène tout à fait savoureuse qui délie avec finesse toutes les tonalités tendres et cinglantes de l’auteur.
A la fin, les spectateurs se sentent complices de ce couple qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Adam et Eve. Il parait qu’ils s’ennuyaient au paradis. Allons donc, l’homme ne sera jamais content !
Il faut vraiment voir cette pièce drôle et criante de vérité, dont la densité humaine est superbement bien rendue par le jeu les interprètes. Un spectacle exaltant !
Paris, le 10 Novembre 2012 Evelyne Trân
